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extraordinaire masque mal un dénûment extraordinaire ; car, si, pour guérir la tuberculose, on emploie l’arsenic, le phénol, la quinine, l’iode, le phosphore, l’antipyrine, la chaux, l’ozone et le mercure, c’est vraisemblablement que nul de ces médicamens n’est efficace. On ne s’entend même pas encore sur la valeur de la vaccine, ni sur cette question pratique, si importante, de la valeur du lait bouilli ou du lait non bouilli dans l’alimentation des nourrissons. On discute encore l’homéopathie. Quelques progrès ont été faits assurément pour connaître les causes des affections morbides ; mais le malade, lequel veut guérir, est hanté par l’idée, assez simple d’ailleurs, de sa guérison, de sorte qu’il attache un prix très secondaire aux progrès de la pathologie, s’ils ne sont pas consacrés et vérifiés par une amélioration ou une guérison de sa maladie.

« Rien ne prouve mieux l’imperfection des choses de la médecine que les momens de vogue dont jouissent tels ou tels médicamens. — Dépêchez-vous de le prendre, pendant qu’il guérit encore, disait un sceptique. — Et, de fait, en assiste à des engouemens passagers, qui surprennent. Les grands médecins d’autrefois imposaient à leurs malades des centaines de saignées et des milliers de lavemens. Donc, puisque les méthodes de jadis sont tombées en désuétude, il est bien permis de supposer que les traitemens d’aujourd’hui seront, dans quelque vingt ans, considérés comme ineptes. Il était de mode de recommander le vin : maintenant, c’est l’eau qu’on prescrit. Du reste, en fait de régime, chaque médecin conseille selon son goût personnel : peu de sel ou beaucoup de sel ; alimens liquides ou alimens solides ; viandes rôties ou ragoûts ; légumes verts ou féculens. La diversité en est infinie, et on peut trouver dans les livres classiques de doctes encouragemens pour chacune de ces alimentations variées.

« Quant aux eaux minérales, elles sont déclarées aptes à toutes les guérisons ; et il n’en est pas qui ne guérisse la goutte et la dyspepsie, le diabète et la scrofule, le rhumatisme et les maladies du foie, les bronchites et les neurasthénies.

« La médecine est donc, de toutes les connaissances humaines, la moins avancée. Les formules enfantines y abondent : on rit quand on relit les consultations que donnèrent les fameux médecins des siècles précédens, et on sourit, quand on retrouve les prescriptions données par nos pères. Notre médecine actuelle,