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La morphine surtout est merveilleuse. Sydenham disait jadis que, sans opium, il ne voudrait pas faire de médecine. De fait, aux injections de morphine, qui apportent leur soulagement au bout de deux à trois minutes, il n’est guère de douleur qui résiste. S’il faut même en faire l’aveu, je m’imagine que les médecins sont un peu trop ménagers de la morphine, quand il s’agit de malades désespérés. Pourquoi, par crainte d’un morphinisme qui n’aura pas le temps de se produire, redouter de donner à un malade, irrémédiablement atteint, la bienfaisante hébétude de la morphine ? C’est presque un sacrilège que de laisser souffrir : et il me paraît que l’apaisement de la douleur, quand toute chance de salut est définitivement éteinte, est pour le médecin un devoir strict.

Mais je n’ai pas parlé de guérison encore ; et on pourrait croire que, selon moi, la médecine est impuissante. Or vraiment, il n’y a que les ignorans pour prétendre que la médecine ne guérit jamais.

D’abord, la chirurgie, qui, de plus en plus, est unie indissolublement à la médecine, est une science conquérante, qui chaque jour fait de réels miracles. Les opérations les plus compliquées s’exécutent sans danger. Les plus graves traumatismes sont réparés et traités. Toutes ces affreuses infections qui ont attristé les âmes des chirurgiens, avant 1872, ont cessé d’exister. Il n’y a plus ni infection purulente, ni érysipèle, ni infection puerpérale, ni tétanos. La mortalité, qui était de 60 pour 100 pour les amputations, n’est même plus de 1 pour 100 à l’heure actuelle. On peut impunément faire des opérations presque innocentes sur le péritoine, la plèvre, les articulations. Or, si la science chirurgicale n’est pas tout à fait de la médecine, on avouera qu’elle n’en est pas fondamentalement différente, et que les victoires de la chirurgie sont bien près d’être des victoires médicales.

La médecine même est loin d’être aussi désarmée qu’on veut bien le prétendre, et il me suffira de citer quelques exemples éclatans pour convaincre les plus rebelles.

Les fièvres intermittentes, dues au paludisme, sont guéries, et certainement guéries, par la quinine. Il n’est pas douteux qu’on a arraché à la mort quantité de malades par la méthodique administration de ce merveilleux médicament. De même, la syphilis est guérie par les sels de mercure et l’iodure de potassium.