Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/687

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beaucoup plus de responsabilité. Le premier né devait être le protecteur de ses frères et de ses sœurs cadets et ceux-ci le respectaient comme tel. Les plus jeunes avaient aussi leurs devoirs à remplir et, dès l’âge le plus tendre, leur manière de se comporter envers les autres membres de la famille était toujours exposée à la louange ou au blâme. Le code moral du fameux Bushido, quoique jamais écrit, devait être suivi jusque par les plus petits parmi les membres de la société, et ses préceptes étaient tout d’abord gravés par la mère dans l’esprit de l’enfant. Elle l’encourageait et corrigeait ses défauts en lui montrant les exemples d’héroïsme donnés par les grands hommes du pays. Tout ceci nous fait voir la part importante que prenait la mère en formant le caractère de la jeune génération et nous explique les tendances de l’ancienne méthode d’éducation.

Quand l’enfant avait atteint l’âge d’aller au collège du daimyo, si c’était le fils d’un samouraï, à l’école plus humble des prêtres bouddhistes, s’il appartenait à une classe plus pauvre, il était élevé dans les mêmes principes, conformément à ceux déjà enseignés par sa mère. L’école enfin n’était que la continuation des études faites à la maison, les professeurs complétaient l’instruction donnée par les parens : à l’école comme dans la famille, on attachait plus d’importance à l’éducation qu’à l’instruction. Le professeur J. Nitobe, directeur de l’École supérieure de Tôkyô, pour ne citer qu’un des nombreux hommes compétens dans la question, décrit ainsi l’éducation sous l’ancien régime :


La vie étant considérée comme un moyen de servir son maître, et son idéal étant l’honneur, toute l’éducation et l’instruction d’un samouraï tendaient vers ce but. Ce qui importait avant tout dans cette instruction chevaleresque était de former le caractère, en laissant dans l’ombre les facultés subtiles de prudence, d’intelligence et de raisonnement. Nous avons vu le rôle important joué dans cette éducation par les arts esthétiques, indispensables à un homme élevé surtout selon les principes samouraïs. On estimait assurément les supériorités intellectuelles, mais le mot chi employé pour indiquer l’intellectualité, signifiait d’abord la sagesse : le savoir n’occupait qu’une place inférieure. On disait que le Bushido était soutenu par trois pieds, Chi-Fin-Yu c’est-à-dire la Sagesse, la Bienveillance et le Courage.

Un samouraï était surtout un homme d’action. La science n’entrait pas dans la sphère de son activité, il s’en occupait seulement lorsqu’elle devenait utile à sa profession d’homme d’armes. La religion et la théologie étaient abandonnées au clergé : le samouraï ne s’y intéressait que dans la mesure où elles pouvaient aider à accroître le courage. La philosophie