qui se tient dans la coulisse, mais qui rend des services essentiels par son dévouement, par la haute culture de son esprit, par sa connaissance approfondie de l’histoire et de la politique. L’oncle sera ainsi représenté près de la nièce par un autre lui-même que la princesse aura sous la main, qu’elle pourra consulter en toute sécurité, chaque fois qu’elle rencontrera sur sa route un obstacle. Les entretiens de la Reine avec Stockmar sont comme le prolongement de sa correspondance avec le roi Léopold.
Avertie et soutenue comme elle l’est, elle ne paraît pas trop surprise par le grand événement, par la prise de possession de la couronne d’Angleterre. On lui a tant parlé de la nécessité du sang-froid que, loin de perdre la tête, elle reste admirablement maîtresse d’elle-même. C’est avec une sorte de sérénité épanouie, par momens même avec une pointe de gaieté juvénile, qu’elle raconte à son oncle ce qui vient de lui arriver. A six heures du matin, elle a reçu en robe de chambre, dans son petit salon, le grand chambellan qui lui a annoncé qu’elle était reine, et qui a fléchi le genou devant elle en lui baisant la main. A neuf heures, le premier ministre est entré chez elle, lui a baisé la main à son tour et lui a communiqué la déclaration qu’elle devait lire. Puis elle a tenu Conseil, et les conseillers privés ont prêté serment entre ses mains. Dans ce récit détaillé, aucune trace de timidité ni d’embarras. A force de s’être bien préparée, on dirait qu’elle est faite tout de suite pour la fonction qu’elle remplit. « Je n’étais pas le moins du monde nerveuse, écrit-elle, et j’eus la satisfaction d’apprendre qu’on était satisfait de ce que j’avais fait et de la manière dont je l’avais fait. »
Deux conseils de son oncle que la Reine met en pratique dès le premier jour vont singulièrement faciliter la tâche. Elle distribue son temps avec une régularité méthodique, elle fixe l’heure ordinaire des audiences, surtout elle n’entend pas se laisser surprendre et accepter au pied levé les propositions que ses ministres pourront lui adresser. Toutes les fois qu’une affaire n’est pas urgente, elle se fait une règle de ne pas prendre une décision immédiate. Elle demande à réfléchir, elle conserve les rapports et les documens qu’on lui apporte, soit pour les examiner à tête reposée, soit pour les soumettre à un conseiller qui est en général Stockmar. Le pli une fois pris, chacun s’habituera à cette manière de faire, comme elle s’y habituera elle-même. Ainsi que le lui a également conseillé le roi des