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pas d’obscénité trop grosse, ou de saleté trop sale, pour cette grande princesse. Il existe d’elle une lettre adressée à sa tante et supprimée par tous les éditeurs[1], qui n’est qu’une longue variation sur le thème de Cambronne. La duchesse Sophie en fut si peu choquée, quelle répondit par une seconde variation sur le même sujet. Bien plus, elle fit courir le chef-d’œuvre de sa nièce, et l’en informa comme d’une chose toute simple. « Il me semble, lui récrivit Madame[2], qu’il n’est pas poli que la duchesse de Celle fasse lire la lettre ordurière devant des étrangers. Je n’aurais jamais cru que cette lettre aurait tant de succès. Mgr le Dauphin tire aussi grand parti de ce thème. »

Mgr le Dauphin ne se contentait pas d’être rabelaisien en paroles. Il était pratiquant : « — Il aimait beaucoup qu’on l’entretînt tandis qu’il était sur la chaise percée, ce qui se faisait très décemment, car alors on lui tournait le dos. Je l’ai souvent entretenu de cette façon du cabinet de sa femme, ce qui la divertissait[3]. » J’ose dire que Madame se trouvait ici dans son élément. Elle adorait jusqu’aux simples incongruités qu’il est d’usage de s’interdire en société, et dont Louis XIV, pour sa part, « s’était toujours fait grand scrupule ; » c’est par une lettre de Liselotte que ce point est acquis à l’histoire. « Mais, poursuivait-elle, Mgr le Dauphin et moi, nous avons souvent parié à qui en ferait le plus, et nous nous en sommes très bien trouvés. Pour ces sortes de choses, tout dépend de la manière de s’y prendre[4]. »

À titre de tableau de mœurs sous le Grand Roi, Mme de Maintenon étant toute-puissante, nous tenterons de faire deviner une scène dont Madame nous a laissé un récit qu’il est difficile de reproduire et qu’elle appelle, un peu ambitieusement, un « dialogue » entre elle. Monsieur, et leurs deux enfans déjà grands. Les quatre altesses venaient de souper, et elles étaient seules dans une pièce de leur appartement. Monsieur se taisait : « — Il ne nous trouvait pas d’assez bonne compagnie pour causer avec nous[5]. » Après un long silence, il interpella tout

  1. La lettre est datée de Fontainebleau, le 9 octobre 1694. G. Brunet en a donné un fragment dans l’appendice du volume II de sa Correspondance… de Madame, et il y a joint la réponse de la duchesse Sophie, du 31 octobre 1694.
  2. Du 18 novembre.
  3. Fragmens des lettres originales, etc. Du 5 mai 1716. Vol. II, p, 74.
  4. Du 6 juillet 1710, à la duchesse Sophie.
  5. Du 18 janvier 1693, à la duchesse Sophie.