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à l’Electeur[1]. » Elle reprochait à la tante Sophie, sans laquelle toute la nichée n’aurait eu qu’à tendre la main, de ne pas faire assez bien les choses[2]. En un mot, c’était la mouche du coche.

Quant à faire elle-même quoi que ce soit pour ses sœurs, oh ! que nenni ! Le parti pris fut le même que pour ses frères[3]. D’argent, point, et c’était Madame qu’il fallait plaindre : elle était si à court ! Elle aurait tant aimé pouvoir donner ! « Plût à Dieu que je pusse soulager ma tante la duchesse de la peine de pourvoir à vous autres ! Je m’en ferais une joie… Plût à Dieu que je fusse en situation d’aider votre ménage ! Que je m’estimerais donc heureuse ! C’est un vrai chagrin pour moi que cela ne puisse pas être[4]. » Il serait aisé de multiplier les citations. Jamais elle n’eut un liard pour ces pauvres filles, ni après la mort de Monsieur, qu’elle accusait de donner tout l’argent de la maison à ses favoris, ni après que son fils, devenu Régent, eut rempli royalement sa bourse. Dans sa vieillesse, elle envoyait de loin en loin à Louise une bagatelle achetée à la foire de Saint-Germain[5] ou à la fête de Saint-Cloud : « Je vous envoie vos étrennes… Je vous envoie votre foire… » C’était maigre.

Il y avait aussi volonté arrêtée de les tenir à l’écart et de ne pas s’en empêtrer. Deux ans après la mort de leur père, la duchesse Sophie suggéra à Madame de faire admettre « Amélisse » parmi les filles d’honneur de la Dauphine. Madame écrivit à Carl-Lutz : « Ce n’est pas du tout mon idée. J’avoue qu’il me serait très désagréable de voir Amélisse trotter derrière Mlles de Rambures et de Jarnac, qui l’appelleraient « ma compagne. » Je crois que vous partagerez ma manière de voir[6]. » Presque au même moment, le hasard des voyages[7] mettait Liselotte à portée de l’aînée des trois raugraves, Caroline, qui avait trouvé à se marier et était devenue comtesse de Schomberg. Une lettre de la duchesse Sophie à Caroline nous apprend ce qui en résulta :

  1. A ses sœurs, le 5 novembre 1705 et le 16 mars 1709.
  2. Cf. la lettre à Amélise, du 16 août 1704.
  3. Voyez la Revue du 15 décembre 1907, p. 782 et suiv.
  4. À Louise, du 22 décembre 1691 et du 23 juillet 1693.
  5. La foire de Saint-Germain des Prés, à Paris. Elle ouvrait le 3 février.
  6. Du 18 juillet 1683.
  7. La Cour de Fronce était partie le 26 mai pour la Bourgogne, la Franche-Comté et l’Alsace. Madame avait donné rendez-vous à sa mère. Elle la vit le 4 juillet près de Bouquenon (Gazette du 10 juillet 1683).