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il ne fut pas seulement cela ; il fut aussi un fin lettré, doublé d’un écrivain de race, et la lecture des œuvres qu’il a laissées fait souvent regretter que la pédagogie lui ait ravi une grande partie du temps qu’il aurait pu consacrer aux lettres. Il fut encore un homme d’un commerce charmant, qui cachait, sous des dehors réservés, une véritable sensibilité et chaleur de cœur. Enfin, et par-dessus tout, il fut le type de l’universitaire d’autrefois, avec toutes les qualités et toutes les particularités dont ce mot seul fait venir la pensée. Le type, par lui-même, est assez noble, et la figure de Gréard a été pendant longtemps assez en vue pour qu’il vaille la peine d’en tracer, sinon le portrait en pied, du moins la silhouette.


I

Octave Gréard naquit le 18 avril 1828 à Vire, où son père était receveur des contributions directes. Le père de sa mère avait été également directeur des contributions directes sous la Restauration. Du côté paternel comme du côté maternel, il était donc issu d’une famille de fonctionnaires. Sans chercher dans cette double origine quelque mystère atavique dont l’influence se serait exercée sur sa vie entière, je dirai, plus simplement, qu’il eut de bonne heure sous les yeux le spectacle de ces mœurs simples, de ces habitudes exactes, de ces traditions correctes qui caractérisent l’administration française, et que les salutaires exemples qu’il eut sous les yeux ne furent pas perdus pour lui.

Ce ne fut cependant pas, à proprement parler, vers les fonctions publiques que se tournèrent ses premières ambitions. Il avait fait au collège de Versailles de solides études, ses notes en témoignent : « Caractère docile, conduite exemplaire, application soutenue, progrès rapides ; sera le modèle des écoliers jusqu’à la fin de ses études, » disait de lui le proviseur. Ces notes, Gréard les a méritées pendant toute sa carrière et elles montrent déjà ce qu’il devait être dans toutes les fonctions occupées par lui. Au début de sa vie, ce furent cependant ses aptitudes littéraires qui déterminèrent sa vocation. En 1849, il entrait à l’École normale, le dixième de sa promotion. Avec lui y entraient Prevost-Paradol et Levasseur. Ils y retrouvaient About, Sarcey, Taine, Challemel-Lacour, Weiss. Dans une attachante