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SILHOUETTE UNIVERSITAIRE

OCTAVE GRÉARD

Les mots ont leur destin, comme les livres. Ils s’élèvent ou s’abaissent en dignité, et se prennent en bonne ou en mauvaise part, suivant le sens que leur attachent les générations successives. Parfois même ils connaissent des fortunes variables, et, après des chutes profondes, ils rebondissent jusqu’aux plus hauts sommets. Le mot de pédagogue est de ceux qui ont subi ces vicissitudes. Issu de l’accouplement d’un substantif et d’un verbe grecs, sa haute naissance le tient en estime pendant toute la durée du Moyen âge et de la Renaissance. Condé, le chef des protestans, ne le prenait assurément pas en mauvaise part, lorsque, dans ses Mémoires, il parle de « Jehan Calvin, un petit pédagogue, si pauvre et nécessiteux. » Patru, au commencement du XVIIe siècle, appelait saint Benoît « ce divin pédagogue de la vie monastique. » Néanmoins, dès cette époque, la fortune du mot commence à décliner. La Fontaine et Molière lui portent de rudes coups, et le XVIIIe siècle le prend généralement en raillerie. Il était réservé au XIXe de le relever. Ayant fait ou cru faire de l’éducation des enfans une Science : la pédagogie, il devait à ceux qui enseignent ou cultivent cette science de les considérer comme des savans et non point comme des pédans. De nos jours, la qualification de pédagogue est devenue un titre d’honneur. Dire de Gréard qu’il fui un grand pédagogue, c’est donc rendre à sa mémoire l’hommage qui lui est le plus justement dû. Mais