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et instructions publiées par lui ou adressées à ses subordonnés, pendant le cours de sa direction. Du détail rien ne lui échappait. Quant aux questions plus hautes qui ont fait de l’enseignement primaire le champ clos où les partis se sont si souvent combattus, questions de personnel, questions de programme, Gréard, dans le volume dont je parle, s’est, au contraire, abstenu de les traiter. Sans doute il aura pensé que la situation officielle occupée par lui ne le lui permettait pas. Cependant, à la dernière page du livre, il semble qu’il ait voulu, par acquit de conscience, esquisser, d’une plume rapide, le programme de l’enseignement populaire, tel qu’il le comprenait au point de vue moral, et il le fait en termes trop élevés pour que je résiste au désir de les citer ici : « Le respect de Dieu, le sentiment des devoirs envers la patrie, l’amour des parens, le culte de la vérité et de la justice, l’effort sur soi-même, sont des vertus qu’il est facile d’exercer chez l’enfant en le tenant toujours en éveil sur ses actions et sur les motifs qui les ont déterminées, en excitant sa conscience et sa volonté au bien. Plus on accordera à la préoccupation légitime de le munir, dès l’école, pour la vie professionnelle, plus, du même coup, s’imposera l’obligation de tenir haut son cœur. L’école elle-même ne saurait à elle seule conduire à bonne fin cette œuvre d’éducation ; elle ne fait que préparer le développement des habitudes intellectuelles et morales auxquelles la pratique de la vie donne une direction décisive... C’est à ceux qui exercent quelque influence par la parole, par la plume, par l’exemple, de n’oublier jamais que, telle ils feront cette innombrable jeunesse, tel sera l’avenir du pays. »

Vingt ans se sont écoulés depuis que Gréard tenait ce noble langage. Tous les articles de ce programme ont-ils été depuis lors l’objet d’un égal respect ? Tel de ces articles n’a-t-il pas été totalement supprimé, et tel autre ne court-il pas de singuliers périls ? A-t-on fait autrefois, fait-on aujourd’hui tout ce qui est nécessaire pour en imposer le respect et pour le défendre contre l’insubordination d’une partie du personnel chargé de l’appliquer ? Je ne saurais le rechercher, sans m’écarter de mon sujet et sans tomber dans la controverse. Je me bornerai donc à dire que, dans les dernières années de sa vie, il n’a pas dû sans trouble voir compromettre son œuvre ; aussi aurait-il assurément applaudi aux efforts de ceux qui, dans la crise actuelle, s’efforcent, « par la parole, par la plume, par l’exemple. » de