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vraiment éloquent parce que j’ai été dur et insolent pour des adversaires que je croyais voir en face et que j’avais un plaisir extrême à mettre en déroute. » Ce second échec lui fut d’autant plus sensible, et, bien que, dès le lendemain, il adressât une apostrophe demeurée célèbre aux « Lettres chéries, douces et puissantes consolatrices, sources limpides cachées à deux pas du chemin sous de frais ombrages... éternellement belles, éternellement pures, clémentes à qui leur revient,.. » cependant la blessure était profonde et il éprouvait le sentiment que Montaigne prête à La Boëtie lorsqu’il le plaignait « d’avoir croupi aux cendres du foyer domestique, condamné à laisser oisives de grandes parties desquelles la chose publique eût pu tirer du service, et lui de la gloire. » Ce fut alors qu’il se tourna vers une autre espérance qui, malheureusement, devait le tromper encore.

C’était le moment où le maître de la France concevait la pensée, comme on disait dans la langue politique d’alors, de couronner l’édifice en donnant à la presse une liberté, au parlement des prérogatives plus grandes que celles dont il les avait laissés jouir jusque-là, et où, par un mouvement dont il serait injuste de soupçonner la sincérité, il se tournait vers des hommes qui avaient été jusque-là ses adversaires politiques déclarés pour les appeler au pouvoir. En même temps qu’il s’entourait de nouveaux ministres, dont il est superflu de rappeler les illustres ou honorables noms, il proposait à Prevost-Paradol d’aller représenter la France à Washington. Rien dans l’attitude prise par Prevost-Paradol vis-à-vis de l’Empire n’opposait un obstacle absolu à ce qu’il acceptât cette proposition. « Se diviser sur la forme du gouvernement, c’est se disputer sur la couleur du papier des chambres avant que la maison ne soit bâtie, » déclarait-il un jour dans une réunion, et il ne faisait là que répéter, sous une forme plus familière, ce qu’il écrivait dans l’introduction de la France nouvelle, lorsqu’il parlait de « cette indifférence déclarée aux questions de personnes, de dynastie, de cadres extérieurs du gouvernement qui lui avait valu tant d’attaques, mais qui serait toujours son principal titre à l’approbation des esprits sages et des bons citoyens. » A ses yeux, le régime parlementaire était la seule chose qui comptât ? et rien ne lui défendait] de croire (que le souverain, qui lui faisait une proposition aussi honorable, ne voulût véritablement