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décisif, puisque je comprends toute l’importance politique d’une constatation bien formelle.

« Comptez sur mon patriotisme.


« Post-Scriptum. — A cinq heures du soir, on vient de m’appeler auprès de la Duchesse. Elle s’est presque jetée dans mes bras en pleurant. Elle me serrait les mains en m’avouant qu’elle est mariée secrètement, en Italie, et qu’elle est grosse ; quelle croit devoir à ses enfans, à ses amis, à elle-même, d’en faire l’aveu. Je l’en ai vivement félicitée et lui en ai demandé la déclaration écrite. Elle a un peu hésité ; mais enfin, elle y a consenti. J’attends cette déclaration pour la joindre à ma dépêche.

« J’ai trois cents livres de moins sur le cœur. Je suis heureux ! le but est atteint. L’honneur du Roi et du pays est sauvé, tout favorise le Trône de Juillet.

« BUGEAUD. »


Voici le texte de cette déclaration si allégeante, pour Bugeaud, si glorieuse pour le Trône de Juillet !

« Pressée par les circonstances et les mesures ordonnées par le gouvernement, quoique j’eusse les motifs les plus graves pour tenir mon mariage secret, je crois me devoir à moi-même, ainsi qu’à mes enfans, de déclarer m’être mariée secrètement pendant mon séjour en Italie. »

« Impossible de mieux faire que vous n’avez fait, mon cher général, écrivait aussitôt M. Thiers débordant de reconnaissance ministérielle. Vous avez conduit cette affaire avec toute l’habileté et la prudence imaginables ! Vos lettres sont très curieuses. Le Roi les lit avec un vif intérêt ; il m’a chargé de vous le dire. »

Le 26 février, le Moniteur annonçait que « le 22 février, à cinq heures et demie, Mme la Duchesse de Berry avait remis à M. le général Bugeaud, gouverneur de la citadelle de Blaye, la déclaration de son mariage tenu secret jusque-là. » Le Moniteur ajoutait que cette déclaration avait été immédiatement déposée aux archives de la Chancellerie.

De plus en plus grisé de son triomphe sur une malheureuse femme aux abois, Bugeaud mandait, entre temps, au préfet de la Dordogne :

« Les journaux vous auront appris l’aveu qu’a fait la Duchesse de Berry, et vos carlistes seront atterrés, indignés. Nous