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serons bientôt obligés de défendre, contre eux, la Duchesse de Berry ! l’héroïque captive ! la nouvelle Jeanne d’Arc ! la Marie-Thérèse, etc.

« La race des Metternich, des Talleyrand n’aurait peut-être pas aussi bien réussi. Souvent, les simples vous attrapent plus vite que les habiles. Enfin, j’ai réussi à obtenir un aveu qui va simplifier ma mission et celle du gouvernement. Cela n’a pas été sans peine. »

Mais le nom du mari restait à découvrir...

« Mme la Duchesse de Berry a gardé le lit aujourd’hui sans être plus malade, c’est pourquoi je ne l’ai pas vue, écrivait Bugeaud, deux jours après. A la première occasion, je tâcherai d’obtenir l’aveu du nom de son époux, du lieu et de la date de son mariage, toujours si mariage il y a. J’essaie de l’y faire préparer par M. de Brissac et Mme d’Hautefort[1]. »

Et l’habile homme s’informait, à l’antichambre, des raisons qu’avait la Duchesse de ne pas le recevoir.

« Je reconnais que la Duchesse exagérait son indisposition. Pour m’en assurer, j’ai fait questionner le valet de chambre qui a dit que c’était un projet entre elle et ses compagnons. Mes conversations avec Mme d’Hautefort ont achevé de m’en convaincre.

« J’ai fait prévenir le docteur Ménière, et je lui ai recommandé de préparer lui-même les médicamens qu’il ordonnerait, car le parti est capable de la faire empoisonner... »

Bugeaud voyait peut-être un testament dans ces quelques lignes si tristes qu’il transmettait à son ministre.

« M. de Brissac a montré à M. Lombard, mon aide de camp, une lettre de la Duchesse à sa famille, dont voici la substance :

« Je recommande mes enfans à Madame la Dauphine. Je crois avoir assez fait pour eux, pour ma famille. Il est temps que je pense à moi.

« Je désire aller passer, en Sicile, le peu de mois qui me restent à vivre, car je sens bien que je porte la même maladie que mes père et mère[2]. »

Mais à Paris, on était sans pitié[3].

  1. 2 mars 1833. Archives Nationales, f7, 12171, dossier 5, p. 16.
  2. Archives Nationales, f7, 12171, dossier 5, p. 19.
  3. M. Thiers disait, en effet, à Mme de Soigne : « Les larmes et même le sang royal n’ont plus aujourd’hui le prix que vous leur supposez, » t. IV, p. 79.