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« Dès que j’ai reçu votre dépêche du 6, répondait Bugeaud à de nouvelles instructions, je me suis rendu chez la Duchesse de Berry, et je lui ai dit :

« — Madame, le gouvernement, toujours prévoyant, pour vous entourer des secours que nécessite votre état, et pensant qu’il est possible, puisque c’est déjà arrivé, que vous accouchiez à sept mois, me charge de vous engager à désigner, par écrit, votre accoucheur. C’est une mesure de prudence qui ne préjuge rien sur les déterminations ultérieures du gouvernement.

« Elle m’a répondu (d’abord avec calme) :

« — Général, il n’y a rien qui presse ; j’ai encore près de trois mois. Je n’ai point accouché à sept mois, c’est une fausse couche, mais le gouvernement prétend donc me retenir encore en prison ? Ma déclaration devrait me faire mettre en liberté... C’est une infamie, une atrocité.

« — Madame, je vous l’ai déjà dit, vos partisans vous font le plus grand tort en niant votre déclaration, et en calomniant le gouvernement. Vous savez si je désire qu’on puisse vous mettre en liberté, eh bien ! dans l’état actuel des choses, je serais le premier à blâmer le gouvernement, s’il vous renvoyait ; il faut avant qu’on ne nie plus, ou qu’il y ait quelque chose de bien authentique.

« — Mais, dans ma prison, je ne puis imposer silence à ces fous. Quoi de plus authentique que ma déclaration ?

« — Voulez-vous que je vous le dise, madame ?

« — Oui, général.

« — Ce serait de déclarer toutes les circonstances de votre mariage ; avec qui, où et quand vous vous êtes mariée.

« — Je n’ai rien à déclarer ; je n’écrirai plus rien. Le gouvernement veut ma mort ; si j’accouche dans cette prison, j’en mourrai ; eh bien, soit ! mais je ne ferai aucune autre déclaration.

« — Soyez convaincue, madame, que le gouvernement est loin de vouloir votre mort. Il serait heureux de pouvoir vous rendre la liberté, mais il a des devoirs à remplir envers le pays, et il ne peut vous renvoyer, — tranchons le mot, — que lorsque vous ne serez plus un personnage politique.

« — Eh bien ! je vous le répète, j’en mourrai.

« — Non, madame, vous n’en mourrez pas ; la force de votre caractère vous fera surmonter cette contrariété, car, madame, ce