Pendant que La Ferronnays parlait, la Duchesse se promenait à grands pas dans le salon. Elle paraissait contrariée, fort étonnée surtout de trouver quelqu’un qui envisageât la situation autrement qu’elle ne la voyait elle-même. Cependant, après un long silence, elle reprit la conversation, cette fois presque souriante :
— Ah ! sans doute, vous me prenez pour une mauvaise tête. Vous croyez que je suis incapable d’entendre la raison. Je veux vous prouver le contraire. Je conviens que je suis frappée de vos observations. Je vous donnerai donc une lettre pour le Roi, pour la Dauphine et pour mes enfans. Quant aux explications que demande Charles X, je les lui ai fait donner[1]. Vous le trouverez parfaitement informé de ma position. Elle est telle qu’aucun motif ne peut et ne doit plus s’opposer à mon arrivée à Prague. D’ailleurs, la Dauphine, qui a toujours été pour moi, si bonne, m’a écrit pour me prier d’arriver en m’assurant que j’étais impatiemment attendue.
Quoiqu’un peu sceptique à l’endroit de cette dernière assertion, le comte de La Ferronnays, qui, d’ailleurs, venait d’avoir gain de cause, n’insista pas et se mit aux ordres de la princesse...
Le lendemain, 14 août, chargé de toutes les lettres promises, il partait pour Prague et, d’une traite, arrivait à Lintz où le hasard lui faisait rencontrer M. de Metternich.
Hélas ! les pronostics du prince n’étaient guère encourageans.
« Nous passâmes deux heures ensemble, pendant lesquelles il me prédit que les volontés du Roi seraient inébranlables. Quant à l’Empereur, je devais le trouver personnellement assez favorablement disposé pour la Duchesse, mais cependant fermement résolu à n’agir que selon les volontés de Charles X, à qui il reconnaissait, comme chef de famille, le droit d’imposer à sa belle-fille, avant de la recevoir, telles conditions qu’il jugeait convenables. J’en vins ensuite à demander au prince ce qu’il pensait des abdications de Rambouillet, dont la validité était, parmi nous, le sujet de si douloureuses querelles. Il trancha la question de la façon la plus catégorique. L’acte d’abdication du Roi et du Dauphin, entériné à la Chambre des pairs, était, pour lui, un fait irrévocablement accompli.
- ↑ Par le comte de Choulot que la princesse avait envoyé à Prague après M. de Chateaubriand et qui, comme lui, avait été éconduit.