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« — Il est inadmissible, me dit-il, que les souverains puissent, à volonté, déposer et reprendre la couronne, comme on ôte et remet son chapeau. Un souverain de fait, représenté par Louis-Philippe d’Orléans, aujourd’hui reconnu Roi des Français par toutes les puissances, et un prétendant, par droit de naissance, représenté par Henri, duc de Bordeaux, voilà, ajouta M. de Metternich, l’état précis de la question.

« Cette définition était nette, claire, correcte, et se trouvait entièrement d’accord avec mes convictions personnelles.

« Il me promit de m’annoncer à l’Empereur, car lui aussi se rendait à Prague, et là-dessus, nous nous séparâmes.

« — Si je puis vous être utile, me dit le prince en montant en voiture, je m’y emploierai avec plaisir, car, comme vous, je pense qu’il faut mettre un terme à ces tristes dissensions de famille.

« Je quittai Metternich à onze heures du soir. J’arrivai à destination le lendemain, 29 août, à huit heures du matin. »

En débarquant à Prague, et comme il se disposait à repartir pour Bulsturad, La Ferronnays apprit par le comte de Mailly que le Roi venait, ce jour-là même, dîner chez l’Empereur, au Hradschin ; il se borna donc à annoncer son arrivée au duc de Blacas par un billet qu’il donna l’ordre de lui remettre à sa descente de voiture, et attendit fort ému la réponse de son beau-frère[1]. Cette réponse arrivait enfin, et fixait à quatre heures l’audience demandée.

Comme La Ferronnays entrait, à l’heure dite, dans la pièce précédant le cabinet du Roi, les sept ou huit personnes qui s’y trouvaient se sauvèrent, à sa vue, avec une telle précipitation qu’il n’en put reconnaître aucune.

C’était de mauvais augure. M. de Blacas survint. Son dire n’était guère plus rassurant que la fuite éperdue des gens de l’antichambre.

Le malentendu entre le Roi et la Duchesse s’aggravait. Le Roi était souffrant, sa santé fort affaiblie. Toute émotion l’irritait à l’extrême.

Enfin, comme quatre heures sonnaient, Blacas introduisit son beau-frère.

Charles X était seul avec la Dauphine, et se promenait dans

  1. Le comte de La Ferronnays et le duc de Blacas avaient épouse Mme de Montsoreau.