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logeait la Duchesse. Elle était seule dans son petit salon, avec le comte de Lucchesi qui se retira aussitôt.

La première phrase de Marie-Caroline fut un remerciement ; la seconde fut pour demander la lettre de l’Empereur, qu’elle lut et relut avec une émotion croissante.

« Cette lettre, dit-elle enfin, est dictée par le Roi. On veut me pousser à bout. On veut pouvoir dire qu’il n’y a plus de Duchesse de Berry, qu’il n’y a plus qu’une étrangère. On veut que je m’attache au pilori. On me connaît mal, si on m’en croit capable. Puisqu’on veut la guerre, je l’accepte. Je ferai tout imprimer, tout publier. Je forcerai à reconnaître mes droits, à me rendre mes enfans. »

Sa parole était vibrante, son geste saccadé. La Ferronnays qui s’attendait à cette explosion ne disait rien.

— Ne trouvez-vous pas que j’ai raison ? fit-elle enfin étonnée de ce silence.

— J’oserai tout vous dire, Madame, parce que les raisons que j’ai d’être absolument sincère me justifieront. Ce que Votre Altesse vient de me dire me fait craindre qu’elle soit mal informée, mal conseillée, ou mal inspirée. J’ai écouté Madame avec une grande attention, et je suis obligé de lui dire qu’elle se trompe sur les intentions du Roi, malheureusement aussi sur sa position personnelle.

Le Roi doute du mariage de Votre Altesse, parce que Votre Altesse se refuse à lui en donner la preuve. Il importe pourtant que la vérité, à cet égard, soit connue. On en a trop dit ou pas assez. La présence du comte Lucchesi auprès de Votre Altesse n’est plus explicable. Tant qu’il en sera ainsi, le Roi, ayant avec lui ses petits-enfans, ne peut admettre Madame dans l’intérieur de la famille. Le droit, la justice, la raison sont du côté de Sa Majesté.

La Duchesse dont l’agitation était extrême, s’écria :

— Mais, monsieur, je vous donne ma parole d’honneur que je suis mariée. L’acte de mon mariage, parfaitement en règle, existe. Il est déposé entre des mains sûres !...

— Je prie Votre Altesse de remarquer que c’est la première fois qu’elle daigne me parler ainsi. Une telle déclaration, faite avec cet accent de vérité, avant mon départ de Naples, m’eût suffi, j’ose le croire, pour remplir d’une façon entièrement satisfaisante la mission qu’il a plu à Votre Altesse de me confier.