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états » et de défendre « l’ancien domaine de Sa Majesté aussi longtemps qu’il lui seroit possible[1]. » En même temps, il exhortait Berwick « à ne pas perdre en complimens et en cérémonies un temps précieux que l’on peut employer utilement à prendre des mesures solides » et, pour ne point perdre de temps en effet, il envoyait par avance à Berwick un plein pouvoir conçu dans les termes les plus larges, mais dont la forme un peu hautaine n’aurait probablement pas été du goût du duc de Savoie si ce pouvoir avait passé sous ses yeux. « Le Roy, y était-il dit, voulant faciliter à M. le duc de Savoie les moyens de rentrer dans l’honneur des bonnes grâces de Sa Majesté, donne à M. le duc de Berwick plein pouvoir, commission et mandement spécial d’écouter tout ce qui lui sera proposé de la part du dit duc de Savoye… promettant Sa Majesté sa foy et parole de roi d’accomplir et d’exécuter ponctuellement, avoir pour agréable, tenir pour ferme et stable, à toujours, tous et chacun les traités, articles et conditions que le dit duc de Berwick aura signés en vertu du présent pouvoir[2]. »

Ainsi dûment autorisé, Berwick engagea, toujours par l’intermédiaire du procureur Laurent et du père Arnaud, une négociation qui dura plusieurs mois, sans qu’il fût possible de rien conclure. Berwick ne tarda pas en effet à se heurter à des exigences excessives de la part du duc de Savoie qui, en échange des avantages à lui concédés, ne voulait prendre de son côté que les engagemens les plus vagues. De septembre à décembre, on discuta à coups de mémoires sur la part du fromage qu’il convenait de découper en faveur du duc de Savoie. Une des pièces les plus curieuses qui soient aux Affaires étrangères est certain Dialogue d’un amy à son confident[3], où il est fort question d’un troisième personnage qu’on appelle le principal. Une note en marge nous apprend que l’amy est le duc de Savoie, le confident le père Arnaud, et le principal le duc de Berwick. Dans ce dialogue, comme dans les mémoires adressés à Berwick par Arnaud et Laurent, apparaissent les prétentions exorbitantes du duc de Savoie. Non seulement il prétendait garder Exilles et Fenestrelles, mais il demandait que le Roi lui abandonnât Briançon, Mont-Dauphin et le fort de Barraux, c’est-à-dire trois places qui

  1. Recueil des Instructions, etc., p. 272 et suiv.
  2. Aff. étrangères, Correspond, Turin, vol. CXVI.
  3. Recueil des Instructions, etc., p. 278.