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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/136

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obtenue en violant son serment de respecter les droits de la Rani légitime, et encore de détruire Nazzir-Sing pour rétablir Mozuffer-Sing dans sa vice-royauté. Pour Dupleix, il s’agissait de faire pièce aux Anglais en évinçant le Nizam usurpateur et les Nababs qui, tels que Mohammed-Ali, s’étaient ralliés à sa cause.

En fait, l’Angleterre et la France commençaient de se disputer sévèrement l’Inde du Sud. Les armées indiennes combattraient avec des auxiliaires européens des deux côtés, jusqu’à ce qu’une des deux Compagnies eût obtenu l’avantage. Cette guerre sournoise avait ses bons côtés. Elle pouvait s’entretenir en pleine paix continentale et se payer avec l’argent du pays convoité. En cas d’absolue nécessité, l’armée européenne marcherait comme alliée du prince protégé et, dans la vérité et des choses et des mots, à sa solde. Si elle était victorieuse, la troupe de mercenaires dicterait les conditions de la paix en se taillant la part du lion.

Et c’est en vertu de cette politique de brocantage que Dupleix entreprit deux ans plus tard l’expédition de Genji. Il y pensait déjà en 1749 lorsqu’il fut traversé dans ses combinaisons par la défaite de ses hommes de paille. Chunda-Sahib et Mozuffer-Sing étaient plus capables de négocier que de se battre. Malgré la victoire d’Ambour où périt le vieux Nabab Anavaroudin-Khan, partisan de Nazzir-Sing, victoire remportée grâce au concours de Bussy, les deux associés finirent par échouer avec leurs troupes débandées sur le territoire de Pondichéry. Dupleix ne pouvait suffire à leurs demandes d’argent. Il leur avait bien suggéré l’idée de piller le rajah de Tanjore, pour s’en faire. Il leur avait même prêté des forces, commandées par M. Duquesne, et dont ils s’aidèrent pour rançonner Pertab-Sing. Le rajah de Tanjore dut payer sept millions de roupies aux princes alliés, s’engager à ne plus toucher la rente annuelle de sept mille roupies que la Compagnie française lui devait, à distribuer deux cent mille roupies aux troupes françaises. Et Dupleix lui prit encore quelques lieues carrées de pays.

Mais, malgré ce détroussage inespéré que pouvait faire excuser la dureté des temps, les affaires allaient mal, parce que Nazzir-Sing s’avançait avec une grosse armée et que son approche donnait au rajah de Tanjore le courage de retarder ses payemens. Chunda-Sahib et Mozuffer-Sing attendaient à la porte de