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est donc pour elle de « rester circonscrite dans ses propres limites : elle le doit à sa gloire, à sa justice, à sa raison, à son intérêt et à celui des peuples qui seront libres par elle. » Avec ces peuples qu’elle aura affranchis, elle s’alliera, non en vue des « secours qu’elle peut en tirer, mais pour ceux qu’elle peut leur offrir. » Quant aux autres États, avec lesquels de semblables « traités de fraternité » ne seraient point possibles, la France ne devra se lier à eux que par des « conventions passagères. » Tel est le cas pour la Prusse. Tel est aussi le cas pour la Turquie, dont il serait heureux d’obtenir « la libre navigation de la Mer-Noire, objet sollicité depuis si longtemps, avec tant d’ardeur, par tous les hommes instruits des vrais intérêts commerciaux de la France,... (et qui] ouvrira aux productions de notre sol et aux produits de notre industrie d’immenses débouchés dans les provinces ottomanes,... en Russie, en Pologne et en Perse. » Avec l’Angleterre également, ce sont « des rapports d’industrie et de commerce » que la France aura lieu de nouer. Citant en exemple les relations commerciales de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, auxquelles la proclamation de l’indépendance américaine a donné un plus vigoureux essor, Talleyrand conseille à la France et à l’Angleterre de libérer leurs , colonies respectives. Mieux encore : Unissez-vous, leur dit-il, afin d’émanciper les colonies espagnoles de l’Amérique du Sud ; elles seront, pour le commerce de l’Europe, un vaste champ tout neuf. Et il termine par cette pensée : « Après une révolution, il faut ouvrir de nouvelles routes à l’industrie, il faut donner des débouchés à toutes les passions. »


III

Au moment même où Talleyrand envoyait de Londres son Mémoire, à Paris, un événement très grave pour lui se produisait. En fouillant les Tuileries, on y avait découvert une armoire secrète, — l’armoire de fer, — où dormaient pêle-mêle des liasses de papiers. Qu’était-ce là ? Les curiosités soupçonneuses, aussitôt, furent en éveil. Le ministre Roland fit part de la trouvaille à la Convention. En hâte, on examina les documens, et, le 5 décembre, au nom de la Commission des douze, un rapport était lu à la tribune. Parmi les pièces analysées, les plus nombreuses, les principales, avaient trait aux relations de Mirabeau