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à son amendement. Il faudra, en effet, une loi aussi bien pour l’organisation provisoire que pour l’organisation définitive et, dès lors, cette loi doit être préalable à la notification du rachat. Tout cela-est obscur : c’est peut-être pour ce motif qu’on l’a voté.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement, après des péripéties dramatiques, a obtenu ce qu’il voulait. Il a infligé au Sénat une « humiliation » que celui-ci a acceptée. Il a exigé et a obtenu sa soumission à une mesure que la majorité jugeait mauvaise, et qui, à ses yeux, mettait en péril un élément important de la fortune publique. Pourquoi le Sénat ferait-il désormais plus de résistance sur d’autres réformes que le Cabinet a mises aussi dans son programme, et qu’il fera voter aussi par la Chambre ? Puisqu’il est entendu que le Cabinet est intangible et sacré, et que le précieux intérêt de sa conservation doit passer avant tous les autres, M. Rouvier a eu raison de dire qu’il n’y a plus de Sénat : car à quoi sert-il ? Et quand on pense que ce ministère auquel personne n’ose toucher, auquel tout le monde porte une sorte de respect si religieux, qu’on se regarderait presque comme criminel si on le renversait, est présidé par un homme qui, pendant quinze ans de sa vie, s’est amusé à jeter à bas des ministères les uns sur les autres et a paru se délecter infiniment à ce jeu de massacre, comment invoquer la « justice immanente des choses ? » Comment y penser sans ironie ?


Un nouveau débat sur le Maroc, qui a eu Lieu à la Chambre des députés, a été suivi d’un nouvel ordre du jour de confiance dans le ministère. Était-il très utile ? La situation du Maroc, quelque compliquée qu’elle soit et en dépit des incertitudes qu’elle présente encore sur un grand nombre de points, est cependant bien connue, et, si la politique de notre gouvernement l’est un peu moins, il n’y avait aucune raison de croire qu’elle deviendrait plus claire parce que M. Jaurès aurait demandé une fois de plus des explications, et qu’une fois de plus on les lui aurait données.

Un éloquent discours de M. Paul Deschanel a posé un certain nombre de questions comme elles devaient être posées, et y a indiqué des solutions qui se sont trouvées d’ailleurs à peu près conformes à celles que le gouvernement devait exposer un moment plus tard. On sait avec quelle attention M. Deschanel a suivi, depuis l’origine, toute cette affaire marocaine. Il la connaissait déjà fort bien lorsqu’il est allé, au cours des vacances de Pâques, passer quelques semaines au nord de l’Afrique : il devait rapporter de ce voyage une documentation