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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/248

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retour de Hollande je lui ai dit adieu. A le prendre pour ce qu’il offre, il est fort charmant. On n’y voit qu’un avant-goût de ce que je trouverai plus loin ; c’est un avant-goût qui promet.

Rubens et les Primitifs[1]. Tout le Musée se résume en ces deux pôles. La peinture qui naît, et, faut-il le dire ? la peinture qui meurt. Entre ce premier et ce dernier moment, elle a un éclat extraordinaire. Elle finit en Flandre par une explosion éblouissante : mais Rubens mort, il n’y a plus rien dans cet ordre, et malgré son charmant génie. Van Dyck est un reflet. Que serait-il, et serait-il sans Rubens ? Quelle palette aurait-il créée ? Quel modèle serait le sien ? Quelle conception de la nature aurait-il eue ? Ici dans le Silène et dans le Martyre de saint Pierre, il est tout à Rubens. Plus personnel que Jordaëns, de beaucoup plus fin, avec moins de jactance et autant d’audace sincère, plus élégant, de beaucoup meilleure compagnie, il n’en est pas moins son condisciple en vertu de l’influence reçue. Il lui est très supérieur comme instinct de l’art et comme pratique raffinée, mais il n’est pas si différent qu’on le voudrait pour un aussi charmant esprit. Jamais Jordaëns n’aurait ni conçu, ni pratiqué le Charles Ier du Louvre. Van Dyck eût-il été capable de construire le Possédé de Bruxelles et ce qu’on m’annonce à la Maison du Bois de la Haye ? Enfin, on voit trop qui l’a formé ; et c’est un magnifique produit des exemples du maître. A-t-il eu l’honneur de former à son tour l’école anglaise ? Et si Reynolds, Lawrence, Gainsborough, incontestablement dérivent de lui, n’est-ce pas qu’ils ont trouvé les leçons de Rubens plus faciles à suivre d’après son élève que d’après le maître lui-même ?

Je ne parle pas de G. de Crayer[2] qui a du talent bien inutile.

Il faut citer C. de Voss[3], l’ami de Van Dyck, à qui, dit-on, Rubens envoyait des portraits à faire lorsqu’il n’avait pas le temps de s’en charger. C’est coloré, ambré, physionomique, ferme de bords, gras de matière, plus appliqué que Van Dyck, moins agile et cependant très habile, l’échantillon du Musée très remarquable.


Avant de posséder tous ses organes, l’art de peindre était vraiment

  1. Note de voyage inédite. — Voyez Maîtres d’autrefois, 6e édition, p. 143 à 152.
  2. Gaspard de Crayer (1584-1669), né à Anvers, élève de Raphaël Coxcie de Bruxelles, peintre d’histoire et de portraits.
  3. Corneille de Voss (1585-1651), portraitiste né à Hulst, s’inspira surtout de la manière de Van Dyck et de celle de Rubens.