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à côté de la Haye. Ce qui est d’une autre époque y subsiste par fragmens intéressans, plus nombreux même que je ne le croyais, mais se voit mal et me paraît mal encadré. Quelques monumens superbes de vétusté, de noirceur, infiniment respectables par leur âge et par leur histoire. C’est le vieux béguinage que j’ai contourné dans la nuit, l’hôtel de ville et les églises centrales. C’est pour les églises que je viens ici, à cause de quelques morceaux de peinture uniques. Je commencerai dès demain matin.

... Comment, j’ai oublié le 20 juillet[1] ! Comment, moi, ton père, mon mignon, j’ai oublié de te souhaiter ta fête et de célébrer tes heureux vingt et un ans ! Et cependant, ta mère te le dira, mardi 20, à Harlem, par un hasard qui, vivement, m’a rappelé des souvenirs très chers, tout le jour j’ai pensé à toi plus particulièrement qu’à aucune autre. Je crois même que dans l’église je n’ai pas été loin de m’attendrir ; et mon cœur, vraiment ému, ne m’a pas dit qu’il y avait en effet de quoi m’émouvoir ce jour-là ! Pardonne-le-moi, mon mignon, tu sais que je t’aime bien...


A Madame Eugène Fromentin.


Gand, dimanche matin, 25 juillet.

Je crains d’avoir à Bruxelles deux dîners, l’un, chez M. Gallait, le roi des peintres belges, l’autre, chez un ami de Portaëls ; cela m’ennuie. Car j’ai pas mal à faire, et c’est pendant ces derniers jours, avec le secours du Musée, que j’aurais à mettre en ordre beaucoup de documens nécessaires.

Il y a un tel tohu-bohu dans ma tête, de noms, de dates, de tableaux et de musées, de couvens, d’églises, qu’il faudra quelque temps pour que le classement s’opère. Cependant j’ai fait de mon mieux. Il y a, je crois, un certain intérêt, et pas mal d’acquisitions personnelles au fond de ce désordre. Quand et comment, sous quelle forme le résultat se produira-t-il ? nous verrons.

Excepté mes nuits que je me réserve, car c’est là, tu le sais, mon plus grand besoin, il me serait difficile de faire tenir davantage dans mes journées.

N’attends point mes notes. Mes notes ne sont rien, pas lisibles, à peine déchiffrables ; ce sont d’abondans mementos, sur des pages d’album, l’équivalent des croquis que je fais d’après nature. Et

  1. Anniversaire de la naissance de Mme Billotte, sa fille, à laquelle s’adresse ce passage.