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Derrière, l’abbé donateur en rouge, tenant un saint ciboire, de face ; tête de Christ à barbe en pointe.

Tout cela vivant d’une vie profonde, sereine et recueillie ; pas trace de passion, de sentiment humain. La vie n’y laisse aucune trace, sinon le souffle pour animer les têtes, l’âme dans les yeux. C’est la pure béatitude, sans extase mystique, sans regards au ciel ; la pensée intérieure, reposée, sans trouble. C’est tout à fait unique.

Tronc à fond ramage d’or avec colonnes noires. Portique à colonnes noires ou de marbre rouge. Entre les colonnes, ciel pur, dégradé du blanc au bleu comme une aurore froide sans nuées, mais pour ainsi dire sans flammes. Horizon de villes ; places à perspective haute ; avec épisodes de la vie de saint Jean.

Parquet de marbre gris et rouge. Sous les pieds de la Vierge, tapis d’Orient un peu trop frais et qu’on dirait aujourd’hui de fabrique moderne.

Le modelé des têtes est exquis ; sans ombre dans les deux saintes, enveloppé de demi-teintes et non pas plus pur, mais plus accompagné de clair-obscur dans le Donateur et dans saint Jean. Ton fort. Couleur énergique d’un beau choix. Richesse extrême.

Ces gens n’avaient sous les yeux, croirait-on, que des étoffes précieuses, fines, et du plus beau tissu ; et ils jugeaient que parmi les tissus qu’ils avaient à peindre, il n’y en a pas de plus pur, de plus uni, de plus dense et de plus fin, que l’épiderme humain quand il couvre un visage, des épaules, un corps de femme.

De là leur peinture lisse, pure et jolie. Il n’y manque qu’une largeur et une souplesse de bord pour être parfaite.

Pourquoi donc des pâtes épaisses et grossières ?


A Madame Eugène Fromentin.


Gand, lundi matin, 25-26 juillet 1875.

... La fête d’hier a été belle, intéressante, mais longue. Après trois heures et demie de musique, je m’en suis allé : il était six heures et demie.

Le Roi et la Reine ont été fort applaudis. Il y a longtemps que je n’avais entendu crier : « Vive le Roi ! » J’étais bien placé, près de leur loge, et les voyais à merveille.

Je suis encore de ces gens à qui il ne déplaît pas de voir une personne royale, quand cette personne est un galant