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formels, qu’on donnât plus de place aux lettres françaises et étrangères, à l’histoire, aux sciences, que l’antiquité elle-même y fût étudiée d’une manière moins exclusivement littéraire. Mais l’enseignement « moderne » l’inquiéta, et la réforme de 1902 le désola : il craignit qu’une éducation toute scientifique, hâtivement spécialisée, strictement utilitaire, ne fût le commencement de la barbarie. Il n’est donc possible de le ranger, en matière pédagogique, ni parmi les réactionnaires obstinés ni parmi les révolutionnaires systématiques : il fut là, comme en beaucoup d’autres choses, un homme de juste milieu. Son action ne fut pas, au surplus, aussi prépondérante dans ces grands débats que celle de Duruy, de Jules Simon, de Gréard ou de M. Lavisse : il y eut cependant une part réelle, sinon capitale, et l’on ne pourra faire l’histoire de l’instruction publique au XIXe siècle sans mentionner ses interventions diverses et inégalement heureuses.

Ce n’est pas tout encore. Dans la dernière période de sa vie, on ne saurait nommer toutes les sociétés dont il fut membre ou président, mais il en est une qu’il ne nous pardonnerait pas d’omettre, c’est l’Association des anciens élèves de l’École normale, qu’il dirigea de 1883 à 1906. Il trouva là l’occasion de faire beaucoup de bien, avec un empressement infatigable et une discrétion élégante, l’occasion aussi de dire, dans ses discours annuels, beaucoup de bonnes choses. Il y saluait au passage les grands morts qu’il avait connus, Taine, Duruy, Pasteur, Jules Simon, Henri Wallon, dessinant à grands traits de fort curieuses silhouettes. Surtout il s’attachait à entretenir chez ses camarades les qualités moyennes et solides qu’il regardait comme les vertus professionnelles de l’universitaire : le dévouement aux obligations de métier, le culte de la science et du travail, la tolérance large et loyale. Il fut même éloquent pour prêcher ces sentimens dans les années troublées de la fin du XIXe siècle. En 1899, félicitant les historiens de se transporter dans la vie antique, il ajoutait : « On reproche à ce genre d’excursions de nous arracher à la vie présente. Rien n’est plus vrai, mais c’est précisément le mérite que je leur trouve et ce qui me les fait aimer. Heureux ceux qui, dans la triste époque où nous vivons, ont pu se dégager des médiocrités qui nous entourent, qui se sont fait, dans les pays enchanteurs de l’antiquité, à quelques pas du Parthénon et du Colisée, ou dans les régions sereines de