En s’embarquant à Hambourg pour New York, le ministre de la Guerre « et de la paix, » comme il aimait à se qualifier, n’allait pas vers une vie de loisir. A diverses reprises déjà, M. Roosevelt avait annoncé sa résolution de ne pas être candidat pour un troisième terme. Au début de décembre 1907, le président disait à un de ses amis : « Je ne puis rester au delà de ma période présidentielle actuelle. Je suis reconnaissant au peuple américain de ses sentimens. Mais un autre que moi doit poursuivre ma tâche. » Cet autre, que M. Roosevelt ne nommait pas, c’était M. Taft, le collaborateur fidèle, expérimenté, actif, que, depuis le début de son mandat, il avait utilisé sur tant de terrains divers. Ainsi se développait la carrière du magistrat de Cincinnati, devenu gouverneur et ministre. Après son tour du monde, la campagne présidentielle l’attendait. Il faut avoir vécu aux États-Unis pour concevoir ce qu’une candidature de cette sorte impose, à qui l’accepte, de soucis et de fatigues. Nos candidats français se plaignent d’avoir à visiter les communes de leur circonscription. Ici, la circonscription, c’est le territoire de l’Union, avec ses 9 millions de kilomètres carrés et ses 80 millions d’habitans. La campagne, c’est huit mois de chemin de fer, huit mois de discours. J’ai, à deux reprises, rencontré M. Taft dans l’exercice de sa fonction de candidat. La première fois, c’était à Boston, à l’Union Club. Il était arrivé dans la nuit ; il avait exposé son programme le matin ; et, à une heure, il repartait pour Springfield où il devait, de nouveau, parler. La seconde fois, c’était au ministère de la Guerre où, le plus sérieusement du monde, il serrait la main à une bande d’écoliers qui, de passage àWashington, avaient désiré le connaître. M. Taft est robuste. Ses traits révélaient pourtant quelque fatigue. Regrettait-il alors d’avoir, quatre ans auparavant, refusé le poste tranquille et honoré de juge à la Cour suprême ?
Pendant la première partie de la campagne, c’est aux hommes de son parti que M. Taft a eu surtout affaire. La grande majorité des républicains reconnaissaient ses mérites, mais en janvier, beaucoup doutaient de son succès.
— Ce serait le meilleur des présidens, me disait ironiquement un de mes amis : et c’est cela qui m’inquiète pour lui.
M. Taft avait des adversaires de deux sortes. Les uns, qui sont la droite du parti républicain, lui reprochaient d’être « l’homme de Roosevelt. » On sait les haines que le président