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sortant a provoquées dans les milieux financiers de New- York. Les chefs des trusts s’offusquaient de voir qu’en soutenant publiquement la candidature de M. Taft, M. Roosevelt prétendait se survivre à lui-même et désigner son successeur. Comme je demandais un jour au ministre de la Guerre quelle serait sa politique financière, il me répondit : « Je suis d’accord sur tout avec le président. Si je suis élu, ma politique sera absolument la même que la sienne. J’approuve cette politique comme homme. Je l’approuverais aussi comme président. » En janvier, on lui reprochait ce langage. Quelques semaines plus tard, je constatai que les sentimens des financiers à l’égard de M. Taft s’étaient modifiés. Ils affectaient de rendre hommage à sa modération, à ses qualités juridiques, à son tempérament de magistrat. Le « juge » Taft leur inspirait confiance. Certains disaient carrément : « Nous sommes sûrs de lui. » Les financiers d’outre-mer aiment à parler ainsi. Ils étaient sûrs aussi de M. Roosevelt... M. Roosevelt leur a échappé. Il est probable que, si M. Taft est élu, tout en donnant à son action une forme plus apaisée que son prédécesseur, il s’inspirera des mêmes idées que lui. Quelque part que Wall-Street ait prise au prodigieux essor des États-Unis, il n’en existe pas moins actuellement en Amérique un désaccord frappant entre le caractère des affaires et la législation qui les régit. Les affaires sont « nationales, » les lois sont « particulières. » Comme le ministre du Commerce, M. Oscar Straus, l'a souvent expliqué dans ses discours et dans ses rapports, il est nécessaire de contrôler dans une forme nationale, c’est-à-dire par des lois fédérales, les sociétés dont l’activité et l’extension sont également fédérales. A cet égard, M. Taft est d’accord avec M. Roosevelt ; et la majorité de l’opinion approuve le sentiment que le ministre de la Guerre exprimait dès 1895 devant l’association américaine du barreau de Détroit.

Aux adversaires de droite s’ajoutaient les adversaires de gauche. Au cours de sa carrière judiciaire, M. Taft a rendu des arrêts qu’on lui reproche. Ces arrêts ont eu pour résultat de prévenir les abus du droit de grève, de coalition, de boycott. Cette question est une de celles sur lesquelles le ministre de la Guerre a été le plus fréquemment appelé à s’expliquer. « Les ouvriers, disait-il récemment à un de nos compatriotes, M. Philippe Millet, ont le droit incontestable de refuser leur travail et de se coaliser pour la défense de leurs intérêts, mais il ne s’en-