-suit pas que toute coalition soit légitime. Si une grève se fait en vue d’un but illégal ou par des moyens illégaux, elle est condamnable. Tel est le cas, lorsque des employés d’une Compagnie de chemin de fer veulent imposer leur boycott aux autres compagnies, lorsqu’ils violent les lois du commerce fédéral, ou même simplement lorsqu’ils emploient la violence matérielle. Il en est du droit de coalition comme des autres. Prenez celui de propriété ; mon argent est bien à moi, et pourtant si je m’en sers en vue d’une fin illégale, par exemple pour corrompre un fonctionnaire de l’État, je tombe sous le coup de la loi. Il n’y a pas de droit illimité, ni pour les patrons, ni pour les ouvriers. Voilà pourquoi, tout en reconnaissant que chaque homme a le droit de disposer de son travail comme il l’entend, je ne suis pas disposé à permettre qu’il en abuse. Une coalition est légitime ; une conspiration ne l’est pas. »
Sur ce point encore, M. Taft et M. Roosevelt tiennent un langage identique. « Je suis favorable aux ouvriers, me déclarait le président. Je fais mon possible en leur faveur. Mais pour que des réformes soient possibles, il faut d’abord que l’ordre soit assuré. Ordre et réformes ; pas de réformes sans ordre. » L’idée d’autorité est forte aux États-Unis. Et le socialisme anarchique de notre Confédération générale du travail y trouverait, en face de lui, l'énergique résistance des pouvoirs publics. Nulle crainte des réformes, mais un vif attachement à ce qui est la base des sociétés, au respect de la loi, voilà, pour M. Taft, comme pour beaucoup de ses amis, la règle de la politique. Certains meneurs ouvriers dénoncent cette règle comme un principe de réaction. Mais la masse ne s’en émeut point. Comme me le disait le sénateur Lodge, les Américains n’ont pas de goût pour le collectivisme et moins encore pour le désordre : ils sont, — ou ils deviennent, — traditionalistes et individualistes : deux vertus qu’on peut souhaiter à toutes les démocraties.
Malgré l’opposition des extrêmes, malgré la multiplicité des candidatures destinées à disperser les voix, M. Taft l’a triomphalement emporté à la Convention de Chicago. Il a donné sa démission de ministre de la Guerre, et, remplacé par le général Luke Wright, qui fut déjà son successeur aux Philippines, il s’est aussitôt consacré à la préparation de la campagne. La « plate-forme » qu’il a acceptée n’implique aucun changement essen-