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santé morale et physique, telles que les fait ressortir le régime économique d’aujourd’hui.

Les hommes s’occupent avec infiniment d’ardeur depuis quelques années des lois de protection de leur propre travail, et ils sont arrivés, à cet égard, à des résultats positifs. Ils s’intéressent aussi, par intermittences, à la protection du travail des femmes ; mais, comme ce sont eux qui légifèrent, l’adage : « Charité bien ordonnée commence par soi-même, » reste vrai ici comme partout. Au surplus, il ne faut pas s’abuser sur la toute-puissance des lois. Elles ne sont efficaces que lorsqu’elles interviennent comme sanction d’une opinion publique bien préparée. Or l’opinion publique est encore assez novice en ce qui concerne les conditions du travail féminin en France. On se désintéresse de ces questions, on les connaît mal. On se contente de se lamenter sur la condition inhumaine de l’ouvrière, de la mère de famille, qui gagne parfois un salaire inférieur à soixante centimes par jour. On essaie de quelques œuvres charitables, qui ne peuvent malheureusement atteindre qu’une faible minorité de travailleuses. Là, comme toujours en France, surgissent quelques beaux dévouemens, mais, de remèdes à un mal général on n’en offre point. Examinons donc comment il est possible d’amener l’opinion publique à s’intéresser à ces questions, en l’incitant à profiter des avantages considérables offerts déjà par les lois existantes, notamment par la loi du 21 mars 1884 sur les syndicats professionnels. Qu’est-ce en effet que le syndicat, sinon l’organe par excellence de la protection du travail des ouvriers par les intéressés eux-mêmes, et un des moyens les plus pratiques à utiliser par eux pour améliorer les conditions de leur travail ? Nous faisons, bien entendu, abstraction de toute déviation révolutionnaire dont sont affectés actuellement nombre de syndicats. Nous nous en tenons uniquement aux termes d’une loi votée et acceptée par tous, mise en vigueur depuis vingt-quatre ans, pour la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles de toutes les catégories de citoyens, loi dont chacun, patron ou ouvrier, a un droit égal à se servir.

En examinant les avantages que peuvent retirer de la loi de 1884 les femmes qui travaillent, au point de vue de l’amélioration de leur sort moral et matériel, nous supposerons acquises, afin de ne pas nous égarer trop loin, un certain nombre de notions indispensables. Chacun, soit par ses études,