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de l’épaisseur et de la résistance de sa carapace métallique, il serait nécessaire que ceux que l’on emporte pèsent de 200 à 300 kilos, si l’on veut obtenir un tir d’une efficacité réelle. Un Julliot de 12 000 mètres cubes en pourrait donc enlever un certain nombre, mais ce serait un poids immense sacrifié pour un résultat peut-être insignifiant, car il ne faut pas oublier que l’ennemi, lui aussi, aura des dirigeables, et que, dès lors, en cas de lutte entre deux de ces engins, l’avantage sera évidemment pour celui qui, ayant conservé le plus de lest, pourra prendre, à un moment donné, la situation supérieure. N’insistons pas plus longuement sur le rôle militaire des dirigeables ; nous sortirions de nos attributions. Aussi bien, ceux de nos lecteurs que cette question intéresse la trouveront suffisamment traitée et développée dans le joli volume de M. Sazerac de Forge intitulé : la Conquête de l’Air.

Encore un mot, cependant. Pour que les dirigeables puissent rendre, surtout en cas de guerre, les services qu’on s’apprête à leur demander, le bon sens indique qu’il faut les doter, avant tout, d’une vitesse suffisante : 20 mètres de vitesse propre, pourraient nous permettre, on l’a expliqué plus haut, de faire, deux jours sur trois, du 36 à l’heure ; avec 25 mètres, la vitesse qu’exige le colonel Gœdke d’un véritable dirigeable militaire, on ferait, dans les mêmes conditions, du 54 à l’heure. On leurrait donc un peu le public, reconnaissons-le, lorsqu’on décorait du nom de croiseurs aériens des ballons d’aussi faible vitesse que le Lebaudy ou la Ville-de-Paris, qui, malgré leur valeur intrinsèque, ne sont, en définitive, au point de vue militaire, que des canots plus ou moins bien armés, inutilisables dès que le vent fraîchit. Sur ce point, nos voisins de l’autre côté des Vosges ont toujours eu des idées très arrêtées : de là leurs efforts incessans pour arriver, non seulement à nous rejoindre, — tâche après tout facile, — mais encore à nous dépasser, et comme ils estiment que « n’est réellement apte à la guerre que ce qui peut être traité avec rudesse, » on conçoit leurs préférences pour les ballons cylindriques et rigides. Leurs écrivains militaires les plus en renom sont unanimes à déclarer que si l’on réussit à donner à ces machines la vitesse nécessaire indiquée tout à l’heure, quitte à perdre sur leur capacité de transport et, par conséquent, sur le rayon d’action, tous les efforts et toutes les sommes que l’on aura consacrés à ce but seront