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de très bonne conduite au moment où je voyais le bout du bon esprit et de la bonne conduite de bien d’autres. Je m’en souviens. Donnez-moi souvent de vos nouvelles et dites-moi votre avis.

L’affaire suisse est mauvaise. Même finie avant la session, ce sera pour le cabinet un mauvais débat. Il fallait chasser Louis Bonaparte sans perdre la Suisse. Notre influence y est détruite. Nous en sommes sortis plus complètement que n’en sortira cet étourneau, s’il en sort. Il y a quatre ans, quand l’Autriche voulait obtenir quelque chose de la Suisse, elle s’adressait à nous. Aujourd’hui, nous nous adressons à l’Autriche. Du reste, il n’est point sûr que L. B. s’en aille. Il est en intelligence avec les radicaux suisses et français qui veulent qu’il reste.

La Suisse, le procès Brossard, la nullité de l’administration proprement dite, la décadence du pouvoir dans les grandes et les petites affaires, la légèreté, la servilité, la médiocrité, voilà le thème. Nous verrons quelles variations conviendront le mieux. Je pense comme vous qu’il faut beaucoup attendre.

J’aurais bien des choses à vous dire à propos du catholicisme. Un seul mot. Avant le traité de Westphalie, le catholicisme se refusait absolument à l’existence des États protestans. De là, la guerre continuelle. Par ce traité, il a accepté la nécessité, convaincu qu’il ne pouvait s’y soustraire. Depuis, la paix religieuse a régné. Londres et Berlin ont un ministre à Rome, et Rome est résignée. Il faut qu’il arrive dans le droit public interne ce qui est arrivé dans le droit international, et que le catholicisme chez nous accepte la liberté de conscience des individus comme il a accepté en Europe la liberté de conscience des États. Je sais que la nécessité seule peut l’y amener ; mais vous savez qu’entre la nécessité subie et la nécessité acceptée, il y a un abîme. C’est cet abîme que je voudrais voir franchir une seconde fois au catholicisme. Voilà ma pensée.


P.-S. — On me mande positivement la session pour le 15 décembre et le baptême du Comte de Paris pour le 1er mai.

La reine d’Angleterre montait l’autre jour à cheval avec lord Melbourne. Elle est tombée. Lord Melbourne ne s’en est pas aperçu et avançait toujours. M. Molé n’eût pas été si distrait.