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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/468

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mais, de plus en plus, elles s’espaçaient. Quoique incessamment menacée par les Turcs et bien qu’on pût la croire disposée à chercher dans un rapprochement avec la Papauté des moyens de préservation et de défense, la Russie les ménageait ; dans l’intérêt de son commerce, elle s’ingéniait à vivre en bons termes avec eux. La république de Venise et le roi de Hongrie suivaient cet exemple et, en 1503, obtenaient du Grand Turc une trêve de plusieurs années. Ce sont des heures dramatiques pour la Papauté. Les souverains chrétiens semblaient l’abandonner. L’Italie était la proie des ambitions insatiables et des rivalités sanglantes de ses princes ; en Allemagne, la Réforme commençait à déchaîner des tempêtes, et le Turc faisait trembler l’Europe qu’il rêvait de dominer. De ces conflits surgit le projet d’une ligue anti-ottomane, conçu par Léon X récemment élu et qui le conduisit à nouer des relations avec le grand Kniaz Vasili III. Mais, si celui-ci considérait le Turc comme un ennemi, il le tenait pour un ennemi avec lequel il lui convenait de bien vivre tant qu’il ne pourrait se flatter de l’abattre et qui n’était pas, d’ailleurs, le plus redoutable de ceux qui le menaçaient : Sigismond, roi de Pologne, auprès duquel le Pape multipliait les mêmes démarches qu’auprès de lui, était bien autrement à craindre. Pologne et Russie étaient alors en. guerre, et quand Léon X tenta de les réconcilier pour les réunir contre l’adversaire commun, les deux souverains ne se trouvèrent d’accord que pour l’abuser de promesses qu’ils étaient résolus à ne pas tenir, réservant toutes leurs forces pour se détruire réciproquement. Ces promesses trompèrent le Pape jusqu’au jour où la bataille d’Orcha, 8 novembre 1514, gagnée par les Polonais sur les Russes, véritable désastre pour ceux-ci, vint anéantir les espérances qu’il avait fondées sur le concours de la Russie.

Ces espérances ne se ranimèrent que quelques années plus tard, quand un négociant de Gênes, Paoletto Centurione, entreprit d’arracher au Portugal le monopole du commerce avec les Indes Orientales. A la suite des découvertes territoriales de Vasco de Gama, le Portugal était devenu le maître de la seule voie maritime de l’Europe vers ces pays dont elle retirait de nombreux produits et à qui elle envoyait les siens. Les villes marchandes d’Italie souffraient et se plaignaient de cet état de choses qu’aggravaient les ravages de l’invasion ottomane en Egypte, en Syrie et sur les bords de la Mer Noire. Pour y remédier, Centurione se proposait de créer une concurrence aux Portugais par l’ouverture d’une voie nouvelle des Indes vers l’Europe, qui, passant par l’Indus, l’Oxus, la mer Caspienne, le