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du gouvernement. » Tel est l’article 2 ; l’article 3 renferme rigoureusement les syndicats professionnels dans leur fonction technique ou leur fonction économique : « Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet, dit-il, l’étude et la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles. » M. Georges Sorel fait remarquer que le mot « agricoles » ne se trouvait pas dans le texte primitif, qu’il fut introduit, par voie d’amendement, à la demande de M. Oudet, sénateur du Doubs, et qu’on avait compris, ainsi que l’exprima M. Tolain au nom de la Commission sénatoriale, qu’il s’agissait de permettre aux ouvriers ruraux de se syndiquer. En fait, les syndicats agricoles ont pris un tout autre caractère ; ils sont devenus des groupemens de petits et de moyens cultivateurs pour les achats et les ventes, surtout jusqu’ici pour les achats, et, sans aider aucunement à la formation d’un « parti agrarien, » ainsi que M. Sorel en manifestait l’appréhension[1], ils constituent la partie la plus vivante et la plus inoffensive des applications de la loi de 1884.

Pour favoriser l’éclosion et le fonctionnement de tous ces groupemens divers, « économiques, industriels, commerciaux et agricoles, » considérés a priori comme devant tous ou quasi tous être féconds et n’offrir aucun danger social, la loi de 1884 décide, en son article premier, que les articles 291, 292, 293, 294 du Code pénal et la loi du 10 avril 1834 ne sont pas applicables aux syndicats professionnels ; elle abolit, en outre, les lois des 14-17 juin 1791, celles dont il a été question plus haut et dont Le Chapelier fut rapporteur ; c’était dégager les syndicats professionnels de toute entrave. Allant plus loin, trop loin même, la loi de 1884 abrogea complètement l’article 416 du Code pénal ; ce n’était plus conférer une liberté aux syndicats, mais leur octroyer une faveur ; voici quel était le texte de cet article 416, aujourd’hui inexistant : « Seront punis d’un emprisonnement de six jours à trois mois et d’une amende de 16 à 300 francs, ou de l’une de ces deux peines seulement, tous ouvriers, patrons et entrepreneurs qui, à l’aide d’amendes, défenses, proscriptions, interdictions, par suite d’un plan concerté, auront porté atteinte à la liberté du travail. » L’abrogation de cet article, comme on l’a dit, autorise les « mises à l’index ou

  1. Georges Sorel, Réflexions sur la violence, p. 187.