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III

Ce programme n’a pas besoin de commentaires : expropriation de la bourgeoisie, sans indemnité doit-on dire, quoique la question ne soit pas posée ici ; suppression du salariat et du patronat. Quant à la conflagration révolutionnaire désirée et entrevue, les syndicalistes n’entendent pas par là des soulèvemens dans les rues, comme jadis, des barricades ou même des bombes ; ils regardent ces procédés comme surannés et enfantins. La grève incessante, la grève générale, si possible, tout au moins la préparation à la grève générale, la propagation de l’idée de cette grève, des répétitions partielles, ne fût-ce que pendant vingt-quatre heures ou quarante-huit heures, de cette suspension universelle ou aussi étendue que possible du travail ; telle est la méthode de la Confédération. On retrouve sa main, sinon toujours au début, du moins dans le développement et la persistance, de toutes les grèves récentes qui ont eu du retentissement.

On a vu que la Confédération générale du Travail est exclusivement dirigée par des ouvriers ou d’anciens ouvriers, des « manuels, » et qu’elle tient à l’écart les politiciens et les intellectuels ; cet élément du parti socialiste a en général peu de goût pour sa méthode farouche et sommaire, hostile à toutes les finesses, tous les compromis, toutes les gradations. Cependant, il est quelques hommes, parmi les politiciens ou les théoriciens purs, qui, sans faire partie, à proprement parler, de la Confédération générale du Travail, se rapprochaient ou se rapprochent d’elle par leurs idées et soutenaient ou soutiennent son programme. Au premier rang de ces propagandistes hors cadre se trouvait naguère M. Aristide Briand. Au congrès général des organisations socialistes tenu à Paris du 3 au 8 décembre 1899, M. Briand fit à ce sujet un discours très caractéristique : « Citoyens, disait alors M. Briand, la grève générale est une conception, dont j’ai quelque peu endossé la paternité… Vous me permettrez de persister à croire qu’elle est bonne et féconde, et d’espérer que le parti socialiste s’y engagera avec le prolétariat, j’ose même dire à la tête du prolétariat… Je dis à l’avance qu’il n’est pas possible, entendez-moi bien, au point de vue économique, tout [1]

  1. Mermeix, op. cit., p. 312 et 313.