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l’égard du député belge, M. Vandervelde, et de l’écrivain anglais, M. Sidney Webb, qu’il qualifie soit de « personnages encombrans, » soit de « socialistes patentés et brevetés. » Il n’y a guère que les anciens pontifes : Proudhon, Engels et surtout Karl Marx qui trouvent grâce devant lui ; il reconnaît, cependant, que les formules de celui-ci sont susceptibles de nombreuses corrections : « Au cours de sa carrière révolutionnaire, écrit-il, Marx n’a pas toujours été bien inspiré et trop souvent il a suivi des inspirations qui appartiennent au passé ; dans ses écrits, il lui est même arrivé d’introduire quantité de vieilleries provenant des utopistes. La Nouvelle École ne se croit nullement tenue d’admirer les illusions, les fautes, les erreurs de celui qui a tant fait pour élaborer les idées révolutionnaires[1]. »

Qu’est-ce que la Nouvelle École ? C’est, à proprement parler le syndicalisme, recourant à la violence systématique et aspirant à la grève générale. Ce n’est pas de lois, quelles qu’elles soient, que la nouvelle école attend le salut. Le prolétariat ne peut être sauvé que par les idées révolutionnaires. Il s’agit de maintenir et d’accentuer même la division de la société en classes distinctes et d’exacerber toujours les différends entre elles. Les lois philanthropiques ne pourraient qu’affaiblir la haine des classes et fortifier l’Etat. Or, l’école nouvelle n’a pas la superstition de l’État : « Les syndicalistes ne se proposent pas de réformer l’État, comme se le proposaient les hommes du XVIIIe siècle ; ils voudraient le détruire, parce qu’ils veulent réaliser cette pensée de Marx : que la révolution socialiste ne doit pas aboutir à remplacer une minorité gouvernante par une autre minorité. » Et M. G. Sorel cite le mot d’Engels : « La société qui organisera la production sur les bases d’une association de producteurs transportera toute la machine de l’Etat là où est dès lors sa place : dans le musée des antiquités, à côté du rouet et de la hache de pierre. » Il y a, conclut M. Sorel, « une opposition absolue entre l’Etat et le syndicalisme révolutionnaire. » De même, ce syndicalisme est, par essence, antipatriote[2].

La « Nouvelle École » poursuit, en définitive, la Révolution pure et simple : la destruction du régime capitaliste. Qu’adviendra-t-il ensuite ? M. G. Sorel s’interdit de le rechercher ; ce serait

  1. G. Sorel, p. 159.
  2. Id., op. cit., p. 82 et 83.