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1849


Brompton, 22 avril 1849.

Non certainement, mon cher monsieur, je n’ai rien trouvé à redire dans vos articles sur ma démocratie. Ils m’ont au contraire pleinement satisfait. Vous me connaissez assez, j’espère, pour savoir que des nuances diverses dans les idées me touchent peu, quand la sympathie des esprits existe au fond. Elle a toujours existé entre vous et moi. Je compte de plus et tout à fait sur votre attachement. Ne supposez donc pas ce qui ne m’est pas venu un instant à la pensée. Votre lettre m’a fait relire vos articles, ils sont excellens, et je vous demande d’avance d’en faire de pareils quand il m arrivera de nouveau d’écrire.

Vous aurez lu mon petit manifeste[1], j’espère que vous l’aurez approuvé. Il a produit l’effet que je désirais.

Je doute qu’il serve mon élection, mais il établit nettement ma situation, à quoi je tiens beaucoup plus.

Si je dois être élu, je ne dois et ne veux l’être qu’en me montrant tel que je suis. Et si je ne dois pas être élu, il m’importe d’avoir, avant l’élection, dit hautement ce que je pense, car je ne veux pas, quand je le dirai après, qu’on puisse dire que je le dis parce que je n’ai pas été élu. Je crois peu à mon élection. J’ai refusé d’aller soutenir mes amis par ma présence, et je les trouble un peu par mon langage. Je n’en demeure pas moins convaincu que je fais bien d’agir comme j’agis. Je ne puis rentrer dans la lutte qu’à la condition d’y être rappelé et bien soutenu. Si le public, avec lequel et sur lequel je dois agir, n’est pas dans cette disposition, c’est que le moment n’est pas encore venu pour moi. Je l’attendrai. En tout cas, élu ou non élu, je rentrerai en France quand les élections seront faites, c’est-à-dire vers la fin de mai. Et, si je ne suis pas élu, j’irai m’établir au Val-Richer où je passerai l’été, poursuivant mon Histoire de la République d’Angleterre et suivant pas à pas les sottises de la nôtre. Je regretterai bien que vous ayez quitté Paris. Si vous y étiez, vous viendriez me voir en Normandie. Vous me parlez de quelques

  1. La candidature de Guizot à l’Assemblée Législative ayant été agitée dans plusieurs collèges, il avait cru devoir s’en expliquer dans un écrit adressé aux journaux du Calvados et publier, non une profession de foi, mais un exposé de principes.