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RUSKIN ET LA VIE

III. LA SOCIÉTÉ[1]


VI

Cette prédication s’achève par un rêve : celui de la cité nouvelle, de l’idéale cité qu’il ne faut pas vouloir construire tout d’un coup, mais dont on peut esquisser le plan, et même, comme l’a fait Ruskin en fondant la corporation de Saint-George, tenter en petit, en partie, dans la mesure du possible, l’expérience.

À cette utopie de Ruskin il faut s’arrêter, parce que le fonds de l’homme s’y révèle, comme il arrive dans les rêves. Là seulement toute sa tendance profonde se déploie, conduisant sa pensée, indépendante maintenant du réel, jusqu’à son terme chimérique. Là surtout s’attestent les deux idées directrices de cette pensée — antagonistes, semble-t-il à des Français — mais dont Carlyle, avant lui Coleridge, ont, dès le premier tiers du siècle, conclu l’alliance en Angleterre : l’idée de justice sociale et celle d’autorité traditionnelle.

Brièvement voici la structure de cette république modèle, à la fois chrétienne, féodale, romantique et socialiste.

Un gouvernement très fort, ayant pour chef et pour officiers un roi, juge suprême au tribunal suprême du royaume, des

  1. Voyez la Revue des 15 février, 15 avril et 1er juillet.