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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/567

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princes ou grands juges nommés à l’élection, des lords, juges héréditaires, des ducs pour conduire et diriger les grandes affaires publiques[1]. Au-dessous, « des évêques ou episcopi, » inspecteurs du peuple, pasteurs des âmes et des corps, chacun d’eux ayant charge de cent familles, « rendant compte à l’Etat de la vie menée par les individus de ces familles, en sorte qu’il soit impossible de vivre caché dans le crime ou dans la misère, et que l’État, sachant les besoins, les fautes et les mérites de chacun, puisse aider, punir ou récompenser, utiliser au profit de tous, la valeur et les aptitudes de chacun[2]. »

Voilà les chefs et l’aristocratie, celle-ci non point nouvelle mais composée de « ces vieilles grandes familles qui toujours devraient être et, quelle que soit leur décadence, qui sont encore la plus noble architecture monumentale du royaume, temples vivans de la tradition sacrée et de la religion des héros. À ces familles assez de terre sera donnée à perpétuité pour qu’elles y puissent vivre comme il sied, en toute grandeur et noblesse. Mais ce n’est pas du loyer de ces terres qu’elles vivront. Faire rentrer des fermages n’est point œuvre d’hommes nobles. Un traitement fixe leur sera payé par l’Etat, comme au roi[3]. » Et tous les fermiers seront les fermiers de l’Etat.

Et le commerce ne sera plus une forme hypocrite du combat primitif et des rapines ancestrales, une survivance dissimulée des temps où l’homme était un loup pour l’homme. Toutes les industries appartiendront à des corporations dont chacune s’étendra par tout le royaume, et pour chaque produit, chaque métier, fixera les prix et les salaires. Ceux-ci seront les mêmes pour les mêmes quantités de travail ou énergie vitale dépensée, l’énergie humaine étant la seule valeur économique absolue et servant de base à toutes les autres. Mais compte sera tenu des arriérés du travail nécessaire à la formation de chaque sorte de travailleurs. Les chefs ou « capitaines d’industries, » véritables gouverneurs, rois en petit, seront responsables de la conduite et du bien-être de leurs hommes. À cette condition, une part des bénéfices étant mise de côté pour les maladies et la vieillesse des ouvriers, les maîtres auront droit au surplus des profits, car le fait d’être un maître atteste une supériorité d’intelligence ou

  1. Time and Tide, § 154 et 155.
  2. Sesame and Lilies, § 22 et Time and Tide, § 72.
  3. Time and Tide, § 151.