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amélioré la condition de plusieurs millions d’hommes dans son pays. L’effet de cette mort sur l’état des partis en Angleterre est encore pour moi assez obscur. L’opposition en sera plus unie. Mais quand elle deviendra gouvernement, elle en sera plus faible. Sir Robert Peel eût été pour elle, non pas un chef actif, mais un patron puissant et accrédité dans le pays libéral. Je crois lord Palmerston très blessé, mais non pas mort.


Val-Richer, dimanche 21 juillet 1850.

Je n’ai reçu qu’hier, mon cher monsieur, le numéro de la Revue du 15. Je viens de vous lire avec une satisfaction devenue pour moi bien rare. Tout m’en plaît, le fond et la forme, même là où je ne suis pas de votre avis. C’est un esprit fin au service d’un grand sens. Vous me donnez un besoin que je ne ressens plus guère, le besoin de discuter avec vous. Il est clair que vous ou moi avons raison. Tout autre a tort. Et je me consolerais bien que vous eussiez raison, car il faudra à la démocratie pour faire vivre la République, même telle quelle, au moins autant, et, selon moi ; plus de sagesse et de vertu qu’il n’en faudrait pour ressusciter la monarchie. Du reste, c’est là un des secrets que Dieu seul sait. Lui plaira-t-il de nous le révéler pendant que nous sommes encore là pour y voir ? Vous dites de moi, dans le dernier paragraphe de votre article, ce qu’il m’est le plus agréable qu’on en dise. Si l’entreprise que j’ai faite est impossible, je reste heureux et fier de l’avoir faite, même après y avoir échoué. Si elle n’est pas impossible, je n’aurai échoué que pour avoir espéré trop tôt. J’accepte pour mon nom l’un et l’autre avenir, et je vous remercie de l’avoir devancé. Votre article fera au Roi un plaisir infini ; je lui en écris aujourd’hui même. Plaisir et peine, car, en lui rendant justice, vous lui retirez l’espérance. Je penche à croire qu’il n’est ni de votre avis, ni du mien, et qu’il nous trouverait l’un et l’autre trop optimistes. Ni république, ni monarchie, un gâchis anarchique, assez contenu et assez faible pour que, du dehors, pendant longtemps on se contente d’y regarder, sans y toucher. Rien de nouveau ne me vient de Paris. On est excédé. On ne pense qu’à s’en aller ; l’Assemblée nommera demain sa commission permanente. Si la liste que donnent les journaux passait, ce serait bien vraiment un Comité de surveillance pour le Président. Certainement, depuis quelques mois, l’Assemblée a beaucoup perdu. Le Président ne gagne pas