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palefreniers. Et, quand un souverain venait briguer lui-même la couronne d’olivier, — un Hiéron de Syracuse, un Arcésilas de Cyrene, — il amenait sur ses navires une véritable cour de dignitaires, de familiers et de parasites. On ne pouvait loger tout ce monde, Olympie n’était pas une ville à proprement parler, mais une agglomération de sanctuaires… Il y avait bien le Prytanée pour les agonistes, les professionnels des jeux ; il y avait aussi, des écuries pour les chevaux, et, même à l’époque romaine, on hospitalisait les personnages de marque dans les bâtimens du Léonidaion. Mais les autres, — ceux des cohues anonymes, — ils campaient vraisemblablement sur les bords de l’Alphée. On dormait à la belle étoile : c’était au mois d’août. Il faisait chaud, les nuits étaient splendides. Ou appuyait sa tête sur une selle ou sur un bât de mulet, et, dans le vacarme des cris et des ustensiles entre-choqués, le frissonnement des sonnailles et la rumeur des chansons, on s’assoupissait, en rêvant aux magnificences des temples et aux spectacles passionnans du lendemain.

Il est nécessaire d’évoquer toute cette figuration bruyante, fastueuse et sordide, héroïque et triviale, pour prêter aux ruines d’Olympie une ampleur et un sens qui ne soient pas trop indignes de leur renom. L’actuelle et plate réalité déçoit cruellement les personnes dépourvues d’imagination.

Quelques fûts de colonne, quelques chapiteaux ébréchés, des tronçons de murs et de dallages, des trous, des fossés, — le tout envahi par les herbes, dans le désordre et la tristesse d’un terrain en friches, — voilà qui ne dit pas grand’chose aux esprits indolens et mal préparés. Et puis, c’est tellement petit ! L’Altis n’occupait guère que la moitié de la superficie déblayée par les fouilles, et ce chantier archéologique nous paraît déjà fort exigu. On se demande comment cette étroite enceinte a pu contenir tout ce que nous y décrivent les historiographes : six temples au moins, dont l’un, le temple de Zeus, presque aussi grand que le Parthénon, de nombreux autels, une série d’édicules, où chaque république avait son trésor particulier, un exèdre, des portiques, des trophées, des monumens votifs et tout un peuple de statues, — des statues de tout âge, de toute substance et de toute valeur, en telle quantité que le diligent Pausanias consacre à leur simple énumération des chapitres entiers. Et, chose surprenante, il s’y trouvait encore des arbres,