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perspective, une suprême inquiétude saisit l’Angleterre : celle de la mine semée librement sur les mers, épouvante de sa marine de commerce, affaiblissement de sa marine de guerre. Et dès lors, elle est acquise à tout congrès maritime qui, dans un cadre humanitaire, résoudrait, en la rassurant, le problème effrayant de ces engins nouveaux.

Sollicité par la Russie de s’entendre avec l’Europe sur le droit maritime : « j’y laisserais ma tête, » s’écriait Pitt ; cent ans plus tard, sir Henry Campbell Bannerman accepte.

Ce n’est pas une courtoisie vague, indifférente au succès de la Conférence, mais un ardent désir de réformes, qui conduit à La Haye la Grande-Bretagne. Le blocus maintenu, toutes les solutions de l’équité sont les siennes. L’humanité se trouve heureusement d’accord avec son intérêt pour lui faire proposer la limitation des dépenses navales, mais l’insuccès de la proposition est tel que la Conférence doit se contenter d’en opérer le 17 août dans une séance publique, — séance de parade, minutieusement réglée, — l’enterrement décent. L’humanité lui conseille, et peut-être aussi son intérêt, d’accepter la doctrine historique des Américains : l’insaisissabilité de la propriété privée ennemie sous pavillon ennemi. Aussi, les instructions anglaises portent-elles que la délégation ne doit pas former à ce système d’opposition isolée, car l’heure a passé pour l’Angleterre de la singularité. Pour la troisième fois, l’humanité se trouve merveilleusement d’accord avec l’intérêt britannique pour lui faire demander la suppression de la contrebande de guerre et lui concilier ainsi les neutres par le touchant spectacle d’une belligérance repentie. Après quoi, fort des sympathies acquises par ces démonstrations libérales, pacifiques et même pacifistes, le gouvernement anglais peut maintenir ses thèses sur le régime des navires en port neutre et présenter ses vues hostiles aux mines avec toute garantie de succès[1].

Après avoir été le champion solitaire de la belligérance, la Grande-Bretagne se pose en champion de la neutralité. De sa vieille attitude hostile, — isolement juridique, intransigeance militaire, — à l’en croire, elle a tout dépouillé.

Telle est à la Conférence la très simple et très adroite tactique de l’Angleterre qui, pour mieux affirmer son

  1. Correspondence respecting the second conference, p. 14.