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1862


Val-Richer, 13 septembre 1862.

J’ai eu grand plaisir à recevoir de vos nouvelles, mon cher confrère. Je m’étonnais de n’en point avoir, et avec mes amis, quand je m’étonne, je m’inquiète. Je n’avais pas tout à fait tort de m’inquiéter, car je vois que vous n’êtes encore que médiocrement sur pied. Reposez-vous tout à fait ; vivez beaucoup au grand air et dormez. Là où la science des médecins ne suffit pas, l’action seule et l’effort naturel de la vie vers la santé restent efficaces. Ne manquez pas, en m’écrivant, de me dire où vous en êtes.

Je voudrais pouvoir vous donner des nouvelles plus positives que celles des journaux. Ma première impression a été que le Pape paierait les frais de la défaite de Garibaldi et que, de Paris, on ne pourrait rien refuser à M. Ratazzi, ce sauveur de l’ordre européen.

Il paraît que j’étais trop pressé et que l’Empereur persiste dans le statu quo. Des gens d’esprit et qui pensent être bien informés m’écrivent : « L’abandon de Rome est un tel sacrifice pour la politique impériale qu’un cadeau si disproportionné, fait au roi Victor-Emmanuel, n’est guère probable. Une fois hors de Rome, l’Empereur est brouillé avec les catholiques et ne compte plus en Italie. Politique intérieure, puissance au dehors, jeter tout à l’eau d’un seul coup, ce serait bien étrange ! Nous verrons si l’Empereur résiste effectivement à la pression révolutionnaire, italienne et française, ce sera mieux que je n’attends.

L’autre grand événement de ce temps, la dislocation américaine suit son cours. La lutte durera encore longtemps ; des deux parts, l’acharnement est extrême ; l’admirable sagesse politique de Washington et de sa génération a donné soixante-dix ans de vie à ce gouvernement. Pas davantage. Grande épreuve pour les idées et les institutions exclusivement démocratiques. Sera-t-elle comprise ? Elle est pourtant bien claire. Reeve m’écrit qu’elle est bien comprise en Angleterre, et que jamais le peuple anglais n’a été plus attaché à son gouvernement et plus éloigné d’y toucher.

Je suis charmé que mon Projet de mariage royal vous ait intéressé. Il m’a amusé, moi. Je me suis donné cette petite vacance