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permanente, avait complètement cessé. Il commence à reprendre son ancienne activité. Les dépêches disent que le général d’Amade n’a plus rien à faire dans la Chaouïa, convertie en Arcadie. Si cela est vrai, tant mieux. Notre résolution de ne pas nous immiscer dans les affaires intérieures du pays, et de laisser les deux frères ennemis vider seuls leur querelle, a pris, elle aussi, un caractère plus consistant et plus apparent, et de cela encore nous dirons que c’est tant mieux. On sait que le Sultan a quitté Rabat pour se rendre à Marakech. Y arrivera-t-il ? — J’en jurerais bien, disait quelqu’un dans une circonstance analogue, mais je ne parierais pas. — Restons spectateurs de cette guerre, à laquelle il est d’ailleurs si difficile de rien comprendre. Abd-el-Aziz a certainement bien fait de quitter Rabat où il moisissait sur place et de s’acheminer vers Marakech ; mais, au train dont il marche, on a toujours peur qu’il ne reste en route. Quant à Moulaï-Hafid, un simple caporal européen, s’il était à sa place, réunirait toutes ses forces et irait barrer la route au Sultan. Mais, lui, ne bouge pas. Certaines dépêches disent pourtant qu’il a quelque tentation d’aller à Rabat prendre la place de son frère, qui s’est si bien trouvé de l’occuper ! Cette guerre pourra durer longtemps, puisque les deux champions qui la soutiennent font des efforts héroïques et multiplient les plus ingénieux chasses-croisés pour ne pas se rencontrer. L’important pour nous est de ne pas les rencontrer non plus.

Si nous persistons sagement dans cette attitude, il sera difficile, même aux journaux allemands, les plus exaltés, de nous chercher querelle. En tout cas, toute l’Europe, et nous n’en séparons pas le gouvernement allemand, nous rendra la justice que nous avons rempli nos engagemens. Des complications internationales ne sauraient donc venir désormais du côté du Maroc. Malheureusement, il peut en venir d’un autre.


L’Orient est en pleine révolution. Cette révolution peut être bienfaisante, et nous souhaitons qu’elle le soit ; nous espérons même très fermement que ses dernières conséquences seront heureuses et que la régénération de l’Empire ottoman en sortira. Mais que d’étapes à parcourir avant d’arriver au but que tout le monde désire atteindre ! Pour le moment, on est en pleine féerie. Le Sultan donne une constitution à son peuple, et le peuple s’abandonne à des élans d’enthousiasme : il ne doute pas que son bonheur ne soit assuré désormais par la pratique des institutions représentatives et par la liberté. C’est à coup sûr un des événemens les plus extraordinaires auxquels il nous ait été