Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/720

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Okrida, où il a établi le centre de son gouvernement. C’est un gouvernement, en effet. Le major Niazi ne se contente pas de distribuer des places ; il perçoit les impôts ; il envoie des proclamations ; il menace de pendre les chefs des municipalités qui ne marcheront pas avec lui. Qui ne plaindrait ces malheureux ? Sils ne sont pas pendus par le major Niazi, ils le seront, où ils risquent de l’être par d’autres, chaque parti étant assez fort pour pendre ses adversaires, mais pas assez pour empêcher ses partisans d’être pendus. Jusqu’ici le sort de la Macédoine n’est donc pas amélioré. Le dernier coup de main des insurgés a mis complètement Monastir à leur discrétion. Le maréchal Osman Ismaïl pacha y avait remplacé l’infortuné général Chemsi pacha. Heureusement pour lui, on ne l’a pas tué, mais on l’a enlevé pendant la nuit et on l’a transporté à Okhrida, où le major Niazi le tient prisonnier. Rien ne réussit comme l’audace au milieu d’une décomposition anarchique. Les succès de l’insurrection ont été foudroyans : elle a été partout maîtresse, mais que veulent les Jeunes-Turcs ?

Nous devons faire les réserves les plus formelles sur les procédés qu’ils emploient : l’assassinat est toujours un crime, et, pour ceux qui ont quelque souci du lendemain, un pronunciamiento militaire est toujours une introduction infiniment suspecte à des réformes libérales. Une révolution qui use de pareils moyens ou qui en sort, aura, si elle réussit, beaucoup de choses à se faire pardonner. Ceci dit, nous reconnaissons volontiers que le programme des Jeunes-Turcs mérite les sympathies et que son succès est désirable. Les Jeunes-Turcs se déclarent avant tout patriotes. Ils ont remarqué que, toutes les fois que l’Europe s’est occupée des affaires d’Orient, il en est résulté une diminution territoriale pour l’Empire ottoman, et une diminution d’autorité pour le Sultan. Aussi veulent-ils se passer de l’Europe et faire eux-mêmes les réformes qu’ils sont les premiers à juger nécessaires. Ils tiennent à l’intégrité territoriale de l’Empire ; ils tiennent à l’autorité, au prestige, à l’indépendance du Sultan ; ils n’en veulent pas à Abdul-Hamid et le disent bien haut, ce qui est de leur part un trait d’intelligence ; enfin ils réclament impérieusement la remise en vigueur de la Constitution de 1876, constitution qui n’a jamais été abrogée et qu’ils considèrent comme endormie. C’est au cri de : Vive la Constitution ! qu’a lieu le mouvement actuel. La Constitution de 1876, œuvre de Midhat pacha, donnait à la Turquie le régime parlementaire et une somme notable de libertés. En conséquence, on avait élu une Chambre, qui n’a duré que quelques jours,