Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/804

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA DÉCLARATION SOCIALISTE
DES DROITS

Il y a selon l’expression de Ihering, une longue « lutte pour le droit » qui remplit l’histoire : point de droit qui n’ait été conquis, souvent par la force, sur ceux qui détenaient la force. Les déclarations de droits n’ont fait que consacrer philosophiquement ces conquêtes. Elles ont déjà reconnu au peuple des droits civils et politiques ; on se demande aujourd’hui si c’est assez. Un pouvoir tout abstrait, dans la réalité concrète, ne peut s’exercer ; il devient donc impuissance. Une liberté toute nominale se change de fait en nécessité subie. Par le caractère trop absolu et trop exclusif que la Révolution de 89 attribua à la propriété individuelle, en méconnaissant le droit d’association, elle laissa subsister un principe qui enveloppait une secrète contradiction avec les autres droits proclamés par elle et qui, sur bien des points, les frappait de stérilité dans l’application. Tel est le fond de vérité que contiennent les plaintes des socialistes à l’égard de notre législation. Il existe certainement des conditions économiques fondamentales, sans lesquelles les « droits de l’homme » demeurent lettre morte.

Partant de ce principe, les socialistes voudraient, dans une déclaration nouvelle et plus complète, étendre l’idée de justice sociale, lui faire embrasser certains droits résultant du rapport de l’homme avec la nature et avec ses semblables. Ces droits d’ordre économique se ramènent à trois : le droit à l’existence,