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Je me suis interrompu de ma Petite histoire de France pour le duc de Broglie ; je l’avais promis à sa famille et encore plus à moi.

J’ai eu en dehors de ma vie domestique deux grandes bonnes fortunes, le duc de Broglie et lord Aberdeen, deux hommes et deux amis aussi rares dans l’amitié que dans la politique. Nous nous sommes dit un jour, tous les trois, que nous ne nous étions jamais dit mutuellement que la vérité. Ce travail m’a intéressé comme un retour vers mon passé de jeunesse et d’âge mûr, et je me suis trouvé jeune en l’écrivant. Ce sera un volume de 250 pages écrit en six semaines. La seconde et dernière partie paraîtra le 1er octobre, et on les réimprimera toutes les deux en un volume in-12. Je retourne maintenant au XIVe siècle.


1872


Val-Richer, 3 août 1872.

Mon cher confrère,

Votre lettre m’a fait un vif plaisir à recevoir ; nous étions depuis trop longtemps étrangers l’un à l’autre. Je déteste ces entr’actes dans une ancienne et affectueuse relation.

Vous êtes malade, et moi, je suis vieux. Vous, malade et occupé à Versailles ; moi, vieux et occupé à Paris ou au Val-Richer. Notre silence mutuel s’explique ; je suis fort aise qu’il soit rompu ; tâchons qu’il ne recommence pas. Nous aurions beaucoup à nous dire ; votre conversation est de celles qui me manquent ; il y en a bien peu dont je dise cela. Quand nous reverrons-nous ? Car les lettres sont bien insuffisantes. Je ne compte pas retourner à Paris avant la fin de l’année. J’ai ici un grand repos sans solitude et un travail qui m’intéresse et me plaît vraiment, mon Histoire de France.

Je viens dépasser six semaines avec Jeanne d’Arc et Louis XI, une sainte et un coquin. Tous deux éminens, chacun dans son genre ; pendant le mois de juin, le Synode m’a sérieusement occupé ; je voudrais bien ne pas être obligé d’y rentrer, mais je n’en suis pas sûr ; pour vous, vous rentrerez dans votre Assemblée ; je comprends que vous ne soyez pas toujours de l’avis de vos amis, ni moi non plus.

Mais ma longue expérience m’a appris à me contenter des résultats incomplets qui ne me satisfont pas, pourvu que le bien