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donneront avis aux absens des biens auxquels ils sont propres. » Mais dans cette gêne volontaire, que faire ? Rien de nouveau, forcément, ni d’efficace : « plus de nouveaux établissemens et Sociétés, » plus d’ « œuvres fortes. » Afin de garder le secret, la Compagnie se décide donc à se mutiler. Plutôt que de paraître, — car c’est tout ce qu’elle risque, — elle préfère entrer dans un « sommeil » qui est presque un suicide.

On serait difficile en fait de preuves historiques si l’on n’admettait pas, après tout cela, que la Compagnie du Saint Sacrement fut, non point seulement une Société « discrète, » mais bel et bien une « Société secrète. » Quelque fâcheuse idée que, de notre temps, on attache, ou que l’on convienne d’attacher, aux modes d’action, et d’information clandestine, il faut en prendre son parti : il y a eu au XVIIe siècle, en France, une organisation souterraine de la propagande catholique. Mais qu’on veuille bien se rappeler ce que j’ai jadis essayé de dire ici même : les raisons de circonstances qu’elle avait pour se dissimuler, du moins à la date du XVIIe siècle où elle se fonda, en vue de stimuler, avec le maximum d’effet désirable, l’Eglise française assoupie ou entravée ; qu’on pèse les motifs très valables qu’elle avait de craindre de ne pouvoir pas réaliser en plein jour « les grands biens » qu’elle méditait de faire en tout et partout ; — on devra l’excuser, ou, du moins, la comprendre. Les confrères du Saint Sacrement étaient, du reste, les premiers à le proclamer, — à huis clos, s’entend, — en toute candeur : «… Le secret est l’âme de la Compagnie ; lui seul en fait la différence d’avec les autres sociétés. C’est en lui que consiste toute sa bénédiction, et il est tellement essentiel que, si vous l’ôtez, ce ne sera plus une Compagnie du Saint Sacrement[1]. »


A. REBELLIAU.

  1. Statuts de Poitiers, dans le livre de Dom Beauchet Filleau, p. 282 ; Résolution de Paris communiquée à Marseille, par circulaire du 1er juin 16S8. Voyez la Revue du 1er août 1903.