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J’ai vu ce matin déjà quelques personnes, mais je ne me déciderai à aucune démarche avant d’en avoir vu davantage. D’après ce que j’entrevois dès à présent, le seul parti sage et honorable, c’est celui que j’avais pris d’avance sans éclat ni publicité. Je ne verrai M. Molé et Mlle d’Orléans que dans quelques jours.

Tout est matériellement très tranquille à Paris. Les dispositions mêmes de la population sont sages et raisonnables ; tout le monde soutiendra ce gouvernement s’il veut se soutenir lui-même. Mais on craint qu’il ne veuille pas. L’avenir est bien incertain.

Je persiste à regretter que toi, qui n’as que faire dans tout ceci comme femme et comme étrangère, tu n’aies pas passé quelques mois dehors, loin de toutes les inquiétudes qui nous assiégeront encore quelque temps.

Tiens-moi au courant des bruits de Saint-Point, s’ils continuent. J’ai rencontré en chemin un bataillon de soldats recrutés dans les faubourgs de Paris et allant en garnison à Mâcon pour quelque temps. Ils avaient semé de loin un grand effroi sur la route, mais au fait, ils ne se conduisent pas mal. Ainsi n’en soyez pas effrayés.

Adieu, mille tendresses à toi, à Julia et à tous. Êtes-vous bien à Milly ?


14 septembre 1830[1].

J’ai fait parler intimement hier au Roi et surtout à Mlle d’Orléans, pour leur expliquer ma position et la nécessité pour mon honneur de ne pas accepter de faveur d’un gouvernement pendant que celui que je servais est encore chaud, et en leur demandant la permission de me retirer sans bruit, prêt à les servir de toute mon influence comme citoyen, et en protestant de mon dévouement à eux par affection et reconnaissance de famille.

J’aurai la réponse demain à midi. Je les verrai peut-être ensuite.

Ce matin, j’ai vu longtemps M. Molé, mon ministre. Je lui ai parlé de même et l’ai chargé de mettre mes paroles et ma démarche sous les yeux du Roi. Il a compris, m’a comblé, etc., et ce soir il en entretiendra le Roi. Je lui écrirai ensuite pour lui seul ma démission. Tout cela sans éclat. Adieu, mon amour, à demain.


Les choses politiques sont obscures plus que mauvaises ; le plus grand mal est dans l’inquiétude générale et la cessation du commerce. Il n’y a qu’une époque à redouter, le procès des ministres en novembre.

Adieu, cher ange. Je dine demain chez les Broglie qui sont admirables M. Molé aussi.

Toutes les puissances nous reconnaissent.


1830[2].

Mon cher Amédée, je ne vous trouve plus. Dites à mon père, pour lui et ma femme, que le Roi et Mlle d’Orléans m’ont fait répondre ce matin qu’un motif de délicatesse politique ne se discutait pas, qu’ils auraient préféré qu’un homme distingué leur donnât en ce moment une preuve de

  1. A Mme de Lamartine Alphonse, à Mâcon.
  2. A M. Amédée de Parseval.