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la ferai certainement refaire, mais avec moins de fatigue : les tartarawar[1]passeront à merveille. Mais il vous faudra des tournées plus courtes. J’aurai, je pense, de vos lettres demain ou lundi ; j’écrirai qu’on me les envoie à Jérusalem si nous ne passons pas à Jaffa. Soignez-vous bien ; ne pensez qu’à cela. Grâce à Dieu, vous n’avez pas à penser à nous ; nous n’éprouvons que le regret toujours renaissant de ne pas vous avoir là pour partager nos impressions qui sont en ce genre les plus fortes que nous ayons éprouvées de notre vie. Parle de moi à notre ami Capmas à qui je sais un bien grand gré du sacrifice qu’il me fait en restant près de vous. Adieu, adieu, adieu et mille baisers à toi et à Giulia. Puisque je n’ai rien reçu à Saïde, à Tyr et ici, je présume que son petit accès de fièvre n’aura été que de l’émotion. Adieu encore, sans cesse avec vous en pensée et en esprit et en prières.

Tous nos chevaux sont admirablement, surtout les quatre miens. Fido est bien dans sa tartara et fait ses complimens à Fauvette. Soignez-vous, amusez-vous et allez au Liban. Nous abrégerons de deux jours la route de Jérusalem, de quelques jours le séjour pour vous revoir plus vite. Pour l’Egypte, je n’y pensais que si tout va selon vos souhaits. Nous n’avons que passé à Acre, à cause du typhus qui y règne. Nous sommes enchantés de notre excellent drogman. Mille amitiés à M. et à Mme Jorelle.


Couvent du Mont-Carmel,

le 11 octobre, jeudi, 1832[2].

J’espérais, ma chère Marianne, trouver ici de vos nouvelles. J’en ai vainement demandé à Caïpha en passant. M. Malagamba, agent de M. Bianco, se charge de te donner des miennes. — Nous continuons nos intéressantes excursions. Nous avons été à la merde Galilée et jusqu’au Jourdain. Revenus à Nazareth, nous nous y sommes reposés un jour. Nous voici au Mont Carmel, où nous passons la journée ; demain matin, nous en partons pour Jaffa où nous serons après-demain. Là, nous nous informerons des nouvelles de Jérusalem, où l’on dit qu’il y a un peu de peste, et si cela est exact, nous n’y entrerons pas de cette fois, nous irons seulement camper en vue de la ville sur une colline et, de là, nous visiterons, avec les escortes nécessaires du Pacha, la mer Morte et Bethléem, où il n’y a plus de peste. Je pense au reste que celle de Jérusalem sera peu de chose ou aura cessé d’ici peu de jours. Voilà pourquoi nous nous presserons moins d’en approcher. Sois, au reste, ainsi que Julia, parfaitement tranquille sur notre prudence. Nous n’y mettrons pas le pié s’il y a la moindre chance réelle de danger. Je suis aussi content de la voir de dehors que de dedans.

Toute la Judée que nous avons vue jusqu’ici surpasse en grâce, beauté, intérêt de tout genre ce que j’en attendais. Nous t’en ferons voir une partie et des descriptions du reste.

  1. Lamartine écrit à Virieu, le 6 septembre : « Maintenant, veux-tu savoir comment nous voyagerons dorénavant ? Le voici. Deux litières appelées tartarawar fermées, grillées, matelassées et couvertes, portées sur le dos de quatre mulets pour les femmes, etc. »
  2. A Mme de Lamartine à Beyrouth, recommandée aux soins de M. Malagamba agent de S. M. sarde à Caïpha.