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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/917

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de l’étranger : chacun le cachait, craignant de voir les sources normales se tarir.

L’idée qui se présenta aux Américains fut de recourir à un expédient qui leur avait déjà réussi dans des circonstances semblables : ils créèrent de nouveau des certificats de chambres de compensation ; ils les créèrent en plus grand nombre et dans plus de villes que lors des crises précédentes. Cette façon de monnayer précisément la marchandise qui est la plus offerte en temps de panique est doublement ingénieuse ; elle fournit des instrumens d’échange et elle ralentit l’offre de valeurs mobilières, puisque ces valeurs, consignées par les banquiers aux chambres de compensation à qui ils demandent des avances, ne sont pas mises en vente et ne pèsent par conséquent pas sur les cours. D’autre part, les certificats gagés par elles ont une valeur bien supérieure, puisqu’ils ne sont créés que pour une fraction de la somme représentée par la cote, et qu’ils sont garantis par l’association des banques groupées en chambre de compensation. Ces instrumens monétaires méritent donc la faveur qui paraît les avoir accueillis en 1907.

L’ensemble de ce phénomène est d’autant plus intéressant à observer que la crise elle-même naît en général de l’exagération apportée à la création de valeurs mobilières ou de l’inflation excessive de leurs cours. Ainsi aux États-Unis les chemins de fer et les sociétés industrielles avaient lancé depuis 1906 de fortes quantités de titres nouveaux : la spéculation s’était jetée à la fois sur eux et sur les titres anciens et avait fait progresser toute la cote dans une proportion menaçante pour l’équilibre des marchés financiers. Le volume des instrumens monétaires n’était plus en rapport avec la somme représentée par l’ensemble des valeurs, au niveau excessif auquel elles avaient été poussées, et qui dépassait de 10, de 20, dans certains cas de 30 pour 100 l’étiage normal. Transformer une partie de ces valeurs, invendables ou difficilement vendables, en une monnaie qui avait le double mérite de n’être créée que pour un montant réduit précisément de ces 30 pour 100, c’est-à-dire de l’exagération maximum, et d’être garantie par l’ensemble des banques, était dès lors une opération rationnelle, susceptible d’assainir le marché et de préparer le retour au calme. Il y a dans les « certificats » un germe de progrès plus intéressant et moins chimérique que dans le comptabilisme social de M. Solvay,