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Dans le ciel ténébreux la splendeur a bondi.
Et, sous le clair azur d’un seul coup agrandi,
Où les signes d’argent des astres s’engloutissent,
Hors des sombres vapeurs qui s’affaissent, surgissent
Les hauts monts cuirassés de leurs glaciers d’argent,
Leurs ruisseaux embrumés, leurs flancs au vert changeant,
Les fluctuantes mers de blancs vaisseaux semées,
Les coteaux dont le faîte est voilé de fumées,
Les temples sur leur roc, les camps aux droits remparts
Où l’emblème s’allume au haut des étendards,
Les cités dans l’orgueil arrogant de leurs dômes,
Les villages craintifs, accroupis sous leurs chaumes,
Les labours bruns, les prés au bétail tacheté ;
Le monde entier paraît, vers la vie exalté,
Et de mille couleurs s’anime et se colore.
Mais tout est ruisselant des larmes de l’Aurore.


L’AÏEUL AU MÉDECIN


Vois cette pauvre enfant, médecin. Elle tousse,
Elle est pâle et maigrit. Sa voix était si douce
Que, lorsqu’elle parlait, on eût dit qu’un oiseau
Gazouillait dans la chambre, et le cristal de l’eau
S’écoulait moins limpide et moins frais que son rire.
Mais elle ne rit plus, et sa voix se déchire
Lorsqu’elle veut causer avec moi, son aïeul !
Mets ta pitié sur moi ! Je suis vieux, je suis seul,
Et je n’étais pas né pour un destin prospère :
Ma femme n’est plus là, l’enfant n’a plus de mère,
Et son père navigue en des pays lointains.
Je tremble quand je songe à mes jours incertains
Et que ma vie usée est un roseau débile !
Je sais, ô médecin, que ton art est habile
A ranimer la flamme en des corps affaiblis,
Et que de jeunes fronts précocement pâlis
Te doivent un retour de joie et de vaillance.
Hélas ! des talens d’or paient trop peu ta science !